Le patriarche de ThyssenKrupp, Berthold Beitz, décoré comme « Juste » par Israël pour avoir sauvé des Juifs de la déportation, est mort dans sa centième année, a annoncé mercredi le géant de l'acier allemand.

« Le président d'honneur du conseil de surveillance de ThyssenKrupp est mort mardi à l'âge de 99 ans », a indiqué l'entreprise dans un communiqué.

« Pendant la Seconde Guerre mondiale il a, avec son épouse, manifesté un courage impressionnant et sauvé des centaines de juifs des SS », rappelle le groupe.

« L'Allemagne perd l'un de ses entrepreneurs les plus prestigieux qui ont marqué le pays », a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel dans un communiqué.

Né le 26 septembre 1913, M. Beitz était responsable entre 1941 et 1944 de champs pétroliers dans la ville de Boryslav, non loin de Lvov, occupée alors par les Allemands et actuellement en Ukraine.

Dans cette ville, où vivait une importante communauté juive, victime pendant l'occupation nazie d'exécutions sommaires en pleine rue ou de déportations, M. Beitz s'engagea à plusieurs reprises pour sauver ses employés des camps.

« Du matin au soir nous voyions tout près de nous ce qui arrivait aux Juifs de Boryslav. Quand vous voyez qu'une femme avec un enfant dans les bras est tuée, et que vous avez vous-même un enfant, alors vous réagissez », dira plus tard M. Beitz, qui ne fut pas un opposant politique des nazis, selon le site du mémorial de Yad Vashem.

En 1973, Israël le décora du titre de « Juste parmi les nations » qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs.

« L'un des plus grands Allemands du siècle passé » est mort, a réagi mercredi dans un communiqué le Congrès juif mondial (WJC), qui lui promet « l'amour et la gratitude éternels du peuple juif ».

Après la capitulation du nazisme, M. Beitz fut nommé en 1953 mandataire général des aciéries Krupp, symbole par excellence du producteur de canons allemands pendant les deux guerres mondiales. Il y était resté en activité jusqu'en 1989, avant de devenir président d'honneur du conseil de surveillance de Krupp puis de ThyssenKrupp, poste qu'il a occupé jusqu'à sa mort.

En mettant à sa tête un Juste comme « Schindler », l'entreprise d'Essen d'Alfried Krupp tentait de se redonner une image respectable après avoir pactisé avec les criminels du IIIe Reich.

Après la mort d'Alfried Krupp en 1967, M. Beitz transforma l'entreprise en société par actions, le fils ayant renoncé à son héritage.

Krupp a fusionné en 1999 avec Thyssen, autre grand aciériste de la Ruhr et également fournisseur d'armes aux nazis.

Le patron de la Fédération allemande de l'Industrie (BDI), Ulrich Grillo, a rendu hommage à M. Beitz comme « l'une des plus grandes personnalités de l'histoire industrielle à succès de l'Allemagne après la Seconde Guerre mondiale ».

Et le président du syndicat allemand des métallos, IG Metall, Berthold Huber, a rendu hommage à la « personnalité exceptionnelle » de M. Beitz, soulignant son « sens de la responsabilité, son courage et sa détermination ».