Les avocats de Silvio Berlusconi tentaient mercredi d'empêcher la confirmation par la Cour de cassation de sa condamnation pour fraude fiscale, qui constituerait une première pour l'ex-chef du gouvernement italien et fragiliserait la coalition au pouvoir.

La décision est attendue jeudi après-midi, selon plusieurs médias italiens qui citent des sources anonymes de la Cour de cassation ou se livrent à des calculs sur les temps nécessaires pour chaque étape judiciaire.

Dans cette affaire, le Cavaliere a été condamné, en première instance comme en appel, à quatre ans de prison et cinq ans d'interdiction d'exercer une fonction publique.

Mardi, le procureur Antonio Mura a accusé M. Berlusconi d'être «le concepteur du mécanisme de fraude fiscale» au sein de son empire audiovisuel Mediaset.

Le contrôle du Cavaliere sur ses sociétés impliquées dans ce délit a «perduré» y compris pendant la période où il était chef du gouvernement, a déclaré le procureur, en demandant la confirmation de la peine de prison, mais la réduction à trois ans de l'interdiction d'exercer une fonction publique

«Il manque dans les attendus du verdict» en première instance et en appel «la preuve que Berlusconi ait participé au délit reproché», a rétorqué mercredi au cours de sa plaidoirie Me Niccolo Ghedini, l'un des deux avocats du Cavaliere.

Pour Franco Coppi, l'autre avocat, «Silvio Berlusconi aurait dû être acquitté déjà en première instance».

«Berlusconi, comme tout le monde le sait, se consacre depuis 1994 (date de sa descente en politique, ndlr) entièrement à la politique et ne s'occupe plus de la gestion de ses sociétés», a ajouté Me Coppi.

Les deux avocats tentent de démontrer l'innocence du Cavaliere ou, dans le pire des cas, d'amener la Cour à renvoyer éventuellement l'affaire devant de nouveaux magistrats pour un autre procès en appel.

Une confirmation de ce jugement pourrait porter un coup à la carrière parlementaire de Silvio Berlusconi et mettre en péril la fragile coalition gauche-droite en Italie.

La peine de quatre ans prononcée en mai a été réduite immédiatement à un an en vertu d'une amnistie. Mais quelle que soit la décision de la plus haute juridiction italienne, M. Berlusconi, 76 ans, ne devrait pas aller en prison en raison de son âge.

En revanche, une éventuelle interdiction d'exercer un mandat public constitue un enjeu plus important pour le Cavaliere, entré en politique en 1994, trois fois chef du gouvernement et aujourd'hui sénateur.

Mais même si cette interdiction était confirmée, M. Berlusconi ne perdrait pas automatiquement ni immédiatement son siège de sénateur... Spécificité italienne, il reviendrait au Sénat d'entériner d'abord la décision de la Cour, ce qu'il peut faire de longs mois après la décision du tribunal suprême.

La Cour peut casser le jugement en appel - et dans cette éventualité, soit acquitter le Cavaliere, soit le renvoyer devant une nouvelle cour d'appel - ou confirmer la peine prononcée.

Dans ce dernier cas, l'affaire sèmerait le trouble tant au sein du Peuple de la Liberté (PDL), le parti de Silvio Berlusconi, qu'au Parti démocrate (PD), le principal parti de gauche, et donc au gouvernement de coalition gauche-droite d'Enrico Letta. Une partie de la gauche pourrait juger impensable de continuer à gouverner avec le parti d'une personne condamnée et provoquer de nouvelles élections.

M. Berlusconi a répété qu'il ne remettrait pas en question la participation de son parti au gouvernement, même en cas de confirmation de la sentence. Une hypothèse appuyée par l'historien spécialiste du berlusconisme Giovanni d'Orsina: «J'ai l'impression qu'il ne fera rien. Il gardera le profil adopté ces derniers temps: un homme d'État qui s'inquiète pour le pays. C'est un acteur rationnel», dit-il dans les colonnes du quotidien Corriere della Sera.

Moins tranchant, Il Sole-24 Ore, le quotidien du milieu des affaires, cite un haut responsable du PDL selon lequel «personne ne sait vraiment ce qui va se passer si la condamnation est confirmée, peut-être même pas le président» Berlusconi.

Depuis son entrée en politique en 1994, M. Berlusconi a eu de nombreux démêlés judiciaires, mais n'a jamais été condamné définitivement: il a toujours soit bénéficié de la prescription soit été acquitté.

En juin, il a été condamné à sept ans de prison et à l'interdiction à vie d'exercer un mandat public pour abus de pouvoir et prostitution de mineure dans l'affaire Rubygate. Il a fait appel.