La Cour de cassation a entamé mardi une audience cruciale pour Silvio Berlusconi qui pourrait porter un coup fatal à sa carrière parlementaire et mettre en péril la fragile coalition gauche-droite en Italie.

La Cour doit décider si elle confirme ou pas une condamnation du Cavaliere pour fraude fiscale à quatre ans de prison et cinq ans d'interdiction d'exercer une fonction publique.

«Jour du jugement», titre en «une» le Corriere della Sera, tandis que l'éditorialiste de La Stampa estime que cette affaire est «une pierre géante qui paralyse toute la machine politique». «C'est plus qu'un simple verdict», estime la Stampa.

Selon les médias italiens, la décision de la Cour, ne sera sans doute pas connue mardi. Son verdict pourrait être annoncé mercredi ou jeudi, voire même être reporté à septembre.

Franco Coppi, l'un des avocats du Cavaliere, a estimé au cours d'une pause de l'audience, que «la décision de la Cassation pourrait être connue demain soir ou plus probablement jeudi». Après avoir examiné rapidement sept autres affaires, la Cour doit commencer l'examen de ce cas en fin de matinée.

En attendant, Silvio Berlusconi, qui ne s'est pas présenté à la Cour, a affirmé dans un entretien ne «plus dormir depuis un mois» dans l'attente de ce verdict.

La peine de quatre ans, prononcée en mai dans l'affaire Mediaset, a été réduite immédiatement à un an en vertu d'une amnistie. Mais quelle que soit la décision de la plus haute juridiction italienne, M. Berlusconi, 76 ans, ne devrait pas aller en prison, en raison de son âge.

En revanche, l'interdiction d'exercer un mandat public constitue un enjeu de taille pour le Cavaliere, entré en politique en 1994, trois fois chef du gouvernement et aujourd'hui sénateur.

Nul ne se hasarde à parier sur la décision de la Cour. Celle-ci peut casser le jugement en appel -et dans ce cas, soit acquitter le Cavaliere soit le renvoyer devant une nouvelle cour d'appel-, ou confirmer la peine prononcée.

Même dans ce dernier cas, Silvio Berlusconi ne perdrait pas automatiquement son siège de sénateur, car il faut pour cela un vote du Sénat en session plénière.

Mais l'affaire sèmerait le trouble tant au sein du Peuple de la Liberté (PDL), le parti de Silvio Berlusconi, qu'au Parti démocrate (PD), le principal parti de gauche.

Selon Marcello Sorgi de La Stampa, en cas de confirmation de la condamnation, le PDL «n'existe plus», tant il s'identifie à son fondateur.

Quant au gouvernement de coalition gauche-droite d'Enrico Letta, il risque gros aussi, une partie du PD, principale force de la majorité gouvernementale, pouvant juger impensable de continuer à gouverner avec le parti d'une personne bannie par la justice. Cette aile du PD pourrait être tentée de profiter de la condamnation pour faire tomber l'exécutif et retourner aux urnes.

«Je n'ai pas peur, l'Italie est plus stable que l'on pense. Je ne pense pas qu'il y aura un séisme» politique à la suite du verdict, a toutefois affirmé M. Letta lundi.

Silvio Berlusconi a répété qu'il ne remettrait pas en question la participation de son parti au gouvernement, même en cas de confirmation de la sentence.

Dans cette affaire, le magnat des médias est accusé d'avoir artificiellement «gonflé» le prix des droits de diffusion de films, achetés via des sociétés écrans lui appartenant, au moment de leur revente à son empire audiovisuel Mediaset. En constituant des caisses noires à l'étranger, le groupe aurait réduit ses bénéfices en Italie pour payer moins d'impôts. Le manque à gagner pour le fisc italien a été évalué à 7 millions d'euros.

Dans son réquisitoire, en mars dernier, la procureure Laura Bertolé avait affirmé que «Berlusconi a toujours été à la tête de la chaîne de commandement de son groupe, y compris après sa descente dans l'arène politique».

Lui se dit au contraire «totalement innocent». «Dans la période 2002/2003, j'étais premier ministre et je ne me suis jamais occupé de droits de diffusion», avait-il déclaré.

Depuis son entrée en politique en 1994, Berlusconi a eu de nombreux démêlés judiciaires mais n'a jamais été condamné définitivement. Il a été condamné notamment pour corruption, faux en bilan, fraude fiscale, financement illégal de parti... mais a toujours par la suite soit bénéficié de la prescription soit été acquitté.

En juin dernier, il a été condamné à sept ans de prison et l'interdiction à vie d'exercer un mandat public pour abus de pouvoir et prostitution de mineure dans l'affaire Rubygate. Il a fait appel.