«Hitler n'en a peut-être pas assez tué.» C'est en ces termes que le maire d'une petite ville des Pays de la Loire a parlé des nomades d'origine roumaine la semaine dernière, une déclaration incendiaire qui a remis en lumière le racisme latent auquel fait face cette population en France.

Gilles Bourdeleix, maire de Cholet, n'a pas aimé que des «gens du voyage», comme on les appelle ici, s'installent sur un terrain de sa municipalité avec leurs caravanes. En visite sur les lieux, il a prononcé ces commentaires empreints de nazisme devant des témoins médusés.

Niant d'abord avoir tenu ces propos, Bourdeleix a ensuite dû les reconnaître, puis remettre sa démission. Ses déclarations ont scandalisé les membres de son parti (UDI) et provoqué le déclenchement d'une enquête pour «apologie de crime contre l'humanité".

Amalgames dangereux

La problématique liée aux «gens du voyage» se répète tous les étés en France. Ces caravaniers, souvent assimilés à tort aux Roms fraîchement débarqués de Roumanie ou de Bulgarie, sont souvent installés en France depuis des générations.

«On englobe toujours dans la catégorie tsigane toutes sortes de réalités différentes», explique à La Presse Marc Bordigoni, anthropologue et auteur du livre Gitans, Tsiganes, Roms... Idées reçues sur le monde du voyage.

Les «gens du voyage» occupent en général des activités commerçantes dans les foires et en bord de mer pendant la saison chaude. Cela explique leur afflux massif sur les terrains des petites villes comme Cholet. Selon un rapport de la Cour des comptes publié l'an dernier, il y en aurait entre 220 000 et 250 000 en France.

En vertu d'une loi promulguée en 2000, les communes de toute la France doivent fournir des installations de base aux nomades. «Les maires ont toujours eu le sentiment qu'ils ne sont pas obligés d'appliquer la loi de 2000, donc c'est devenu une guerre de tranchées de part et d'autre», souligne M. Bordigoni.

Escalade de moyens

Si extrême soit-elle, la sortie du maire Gilles Bourdeleix contre les «gens du voyage» est loin d'être un cas isolé. En mai, par exemple, le maire de la petite ville de Montévrain a lancé un appel à ses citoyens sur Facebook pour se mobiliser contre «l'invasion sauvage» des nomades. Il a fait creuser des tranchées par les résidants pour les empêcher de pénétrer sur un terrain avec leurs véhicules.

À Maulette, une cinquantaine d'agriculteurs ont déversé du fumier le 17 juin pour protester contre la présence de caravanes, rapporte Le Monde.

Le maire de Nice, Christian Estrosi, a pour sa part appelé ses homologues de toute la France à «la révolte» le 7 juillet dernier. Le leader d'extrême droite Jean-Marie Le Pen avait peu avant dénoncé la présence de «quelques centaines de Roms qui ont dans la ville une présence urticante et disons... odorante».

Selon l'expert Marc Bordigoni, l'approche des élections municipales de 2014 n'est sans doute pas étrangère au durcissement du ton de plusieurs politiciens. Ceux-ci savent que les nomades dérangent leurs concitoyens, et ils veulent capitaliser sur cette réalité, dit-il. «Les maires, comme ils veulent se faire réélire, vont tout faire pour ne pas donner l'impression de faire quelque chose pour ces gens-là.»

L'anthropologue rappelle que le sentiment de racisme envers les nomades demeure bien répandu dans la population française. Même si rares sont ceux qui oseront le verbaliser.

«On aime bien voir les Gipsy Kings à la télévision, mais on n'aime pas avoir leurs cousins en bas de la porte...»