Les ministres européens des Affaires étrangères ont décidé lundi d'inscrire la branche armée du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes de l'UE, tout en assurant vouloir continuer à dialoguer avec ses responsables politiques, ce qui ne sera pas simple.

Les Européens durcissent ainsi le ton vis-à-vis du puissant mouvement chiite libanais pro-iranien, alors que ce dernier est de plus en plus impliqué dans le conflit syrien au côté du régime de Bachar al-Assad.

La décision a été qualifiée lundi soir «d'agressive et injuste» par le Hezbollah chiite libanais ajoutant qu'elle allait attirer «des pertes et des déceptions» aux Européens.

Le président libanais, Michel Sleimane a, lui, demandé à l'UE de «revoir» sa décision en vue de «préserver la stabilité du Liban».

Le Hezbollah, bête noire des Etats-Unis et d'Israël, a également estimé que «l'Union européenne s'est pliée aux pressions américano-sionistes (...) et au diktat de la Maison-Blanche», ce qui constitue une «tendance dangereuse», selon leur communiqué.

Cependant les Européens, dans cette décision avant tout politique, ne sont pas allés aussi loin que les Etats-Unis, qui ont placé sur leur liste noire le Hezbollah dans son entier, estimant qu'il était impossible de distinguer entre ses branches politique et militaire.

Néanmoins, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a salué «le message fort» envoyé par l'UE «au Hezbollah qui ne peut agir en toute impunité».

Comme les Etats-Unis, Israël s'est en revanche félicité. «Maintenant il est clair pour le monde entier que le Hezbollah est une organisation terroriste», a affirmé sa ministre de la Justice, Tzipi Livni.

«Il est bon que l'UE ait décidé d'appeler le Hezbollah pour ce qu'il est: une organisation terroriste», a déclaré le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Frans Timmermans. «Nous avons franchi une étape importante aujourd'hui en sanctionnant la branche militaire, en gelant ses actifs, en perturbant son financement et ainsi, en limitant sa capacité à agir».

L'accord de l'UE, qui doit encore être transcrit juridiquement pour entrer en application, repose sur les «preuves» que la branche armée du Hezbollah est liée à des actes terroristes perpétrés sur le territoire européen.

Il s'agit de l'attentat qui avait fait sept morts -cinq Israéliens, un Bulgare et l'auteur présumé- à l'aéroport de Bourgas (Bulgarie) le 18 juillet 2012. Les Européens citent également la condamnation en mars à Chypre d'un membre présumé du Hezbollah accusé d'avoir planifié une attaque contre des intérêts israéliens.

Appui à «la stabilité du Liban»

«En inscrivant la branche armée du Hezbollah sur la liste des entités terroristes, l'UE fait simplement coïncider le droit avec les faits», a commenté le chef de la diplomatie française Laurent Fabius.

Les ministres ont cependant affirmé que ces sanctions n'empêcheraient pas l'UE de «poursuivre le dialogue avec tous les partis politiques au Liban», y compris donc le Hezbollah, qui joue un rôle de premier plan, notamment au sein du gouvernement sortant.

Catherine Ashton, la chef de la diplomatie de l'UE, a insisté sur l'attachement des Européens à un Liban «stable et en paix» en dépit des conséquences politiques et humanitaires du conflit syrien.

L'inscription va entraîner un gel des avoirs dans l'UE de l'entité visée, comme les 25 groupes que compte déjà la «liste noire», dont le Hamas palestinien, le PKK kurde ou les Tigres tamouls. Elle ne comporte pas de noms de personnalités, mais le déplacement des membres du Hezbollah vers l'Europe devrait être rendu plus difficile.

Sa mise en oeuvre s'annonce complexe car «il est très difficile d'identifier les membres de l'aile militaire», selon Waddah Charara, professeur de sociologie à l'université libanaise et auteur de «l'État Hezbollah». «Nous en connaissons peut-être une vingtaine. C'est l'appareil sécuritaire, et non pas militaire, qui est le plus efficace et le plus dangereux», a-t-il expliqué à l'AFP.

Les ministres mettent cependant en avant l'expérience de l'UE dans le domaine, citant la lutte contre les sources de financement de l'ETA basque.

Au cours de leur réunion, les Européens ont également apporté leur soutien à la reprise des négociations de paix israélo-palestiniennes.