La justice russe a remis vendredi en liberté surveillée l'opposant Alexeï Navalny, dont la condamnation à 5 ans de camp a été vivement critiquée en Occident, envenimant des relations déjà tendues.

Alors que les relations sont déjà tendues par le refuge accordé à l'ex-consultant du renseignement américain Edward Snowden, le New York Times a affirmé qu'une visite du président Barack Obama à Moscou, annoncée pour les 3 et 4 septembre, en marge du G20, pouvait être remise en question.

Le Kremlin a indiqué n'avoir «aucune information» à ce sujet.

«Nous continuons de préparer la visite», a déclaré le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, cité par Interfax.

Le tribunal de Kirov (900 km à l'est de Moscou), où la peine avait été prononcée et où l'opposant et candidat à l'élection du maire de Moscou avait été immédiatement incarcéré, a accédé à la demande formulée à la surprise générale jeudi soir par le parquet.

«La demande du parquet doit être satisfaite», a déclaré le juge au terme d'un long argumentaire.

Alexeï Navalny et son coaccusé Piotr Ofitserov, qui assistaient à l'audience dans une cabine vitrée, ont été libérés immédiatement, après une nuit en détention.

Alexeï Navalny doit revenir à Moscou samedi matin par le train de nuit, a indiqué sa porte-parole Anna Vedouta.

Les deux hommes sont en liberté surveillée jusqu'à l'entrée en vigueur définitive de leur peine, c'est-à-dire l'examen en appel, dont la date n'a pas été fixée.

L'avocat et blogueur de 37 ans, connu pour sa traque des faits de corruption, s'est précipité vers son épouse, Ioulia, pour l'enlacer.

Les États-Unis s'étaient dits la veille «profondément déçus» par sa condamnation, y voyant des «motifs politiques». L'UE a estimé qu'elle mettait en doute la notion d'état de droit en Russie.

La remise en liberté d'Alexeï Navalny a clairement été liée par le tribunal à des questions électorales.

Le juge a souligné que son incarcération le plaçait «en situation inégale face aux autres candidats» à la mairie de Moscou.

Alexeï Navalny s'est porté candidat à cette élection lors de laquelle le maire sortant Sergueï Sobianine, un proche de Vladimir Poutine nommé par décret en 2010, comptait asseoir sa légitimité.

L'état-major de campagne de l'opposant avait cependant annoncé jeudi après la condamnation qu'il appellerait au boycottage de l'élection.

Alexeï Navalny ne s'est pas prononcé immédiatement sur ce point après sa libération.

«Je ne suis pas un chaton ou un chiot pour que d'abord on me jette, puis qu'on me dise après que je vais participer», a-t-il déclaré à la presse.

Il a indiqué qu'il allait de toute façon faire campagne.

«Sous quelle forme - boycottage ou participation au scrutin - nous allons le décider», a-t-il dit.

Dans un message sur son blogue dans l'après-midi depuis Kirov, il a salué les milliers de partisans descendus dans la rue la veille au soir pour exiger sa libération.

«Merci à vous tous, pour avoir obtenu ma libération et celle de Piotr grâce à votre détermination», a-t-il écrit.

Des milliers de personnes ont manifesté jeudi soir à Moscou, Saint-Pétersbourg et dans d'autres villes.

À Moscou, où jusqu'à 20 000 personnes ont manifesté (2500 selon la police) près du Kremlin, environ 200 personnes ont été interpellées dans la nuit. La plupart ont été relâchées.

La demande du parquet de remettre en liberté surveillée Navalny jusqu'à l'examen de sa condamnation en appel avait provoqué la surprise générale.

Selon nombre d'observateurs, cette requête a été formulée sous l'influence d'une partie de la direction russe qui s'est inquiétée de la perte de légitimité de l'élection prévue le 8 septembre.

«Une peine avec une pause pour les élections», titrait vendredi le site d'information Gazeta.ru.

La plupart des observateurs estiment que l'opposant sera débouté en appel, les divergences portant généralement sur la date de l'examen, et donc de son retour en prison: avant, ou après l'élection.

«Je voudrais croire qu'il a été libéré du fait de la correction juridique d'une mauvaise décision politique. Mais je pense qu'il s'agit de l'affrontement différents groupes (au sein du pouvoir, ndlr) avec des stratégies différentes», a déclaré le politologue Gleb Pavlovski, cité par Interfax.

Alexeï Navalny a été condamné jeudi pour des accusations de malversations qu'il dénonce comme montées de toutes pièces.

Alors qu'il a aussi affiché son intention de briguer la présidence du pays en 2018, toute condamnation, si elle est confirmée en appel, le rendra inéligible.

Selon l'accusation, alors qu'il était conseiller du gouverneur libéral de la région de Kirov en 2009, il aurait aidé Piotr Ofitserov à détourner 10 000 m3 de grumes de bois d'une exploitation forestière publique, d'une valeur de 16 millions de roubles (512 000 $).

Il a dénoncé des accusations «absurdes», le bois ayant été payé 14 millions et les 2 millions restants constituant la marge commerciale.