La justice russe prononce jeudi le jugement dans le procès de l'opposant russe numéro un, Alexeï Navalny, qui risque six ans de prison dans une affaire de détournement de fonds qu'il dit fabriquée de toutes pièces.

Le parquet a requis contre lui six ans de camp et une amende d'un million de roubles (31 400 dollarss), et demandé qu'il soit arrêté après le jugement dans la salle du tribunal de Kirov, une ville située à 900 km à l'est de Moscou.

Jugé depuis le 17 avril, M. Navalny, 37 ans, est accusé d'avoir organisé en 2009 le détournement de 16 millions de roubles (546 000 dollars) au détriment d'une exploitation forestière, Kirovles, alors qu'il était consultant du gouverneur libéral de la région.

Navalny qualifie les accusations formulées contre lui d'«absurdes», la quasi-totalité de la somme ayant selon lui été versée à l'entreprise et le reste constituant la marge de la société -- dont il n'était d'ailleurs pas bénéficiaire -- ayant effectué les transactions.

«Trente-cinq témoins de l'accusation ont témoigné en ma faveur. Le juge a refusé d'entendre les témoins de la défense, d'ordonner une expertise indépendante. Mais même les expertises qui figurent dans l'affaire contredisent l'acte d'accusation», a déclaré M. Navalny dans un entretien au quotidien Moskovski Komsomolets (MK) mercredi.

«Ils disent: +vous avez volé 16 millions, mais nous avons des reçus pour 14 millions», a-t-il poursuivi.

L'opposant qui a été mercredi officiellement enregistré comme candidat à l'élection du maire de Moscou le 8 septembre, et a déclaré son intention de briguer la présidentielle de 2018, ne pourra plus participer aux élections s'il est condamné, même avec sursis, et que sa peine entre en vigueur.

Au cours du procès, l'opposant a affirmé n'avoir «aucun doute» sur le fait que M. Poutine «donnait personnellement des instructions aux enquêteurs».

Orateur efficace, devenu l'une des figures de proue de la contestation née fin 2011, Alexeï Navalny dénonce une «vengeance politique» du Kremlin pour ses révélations sur la corruption, ainsi que pour la campagne menée contre le parti au pouvoir Russie unie et la réélection de Vladimir Poutine à la présidence en 2012.

Ses démêlés judiciaires ne s'arrêtent pas à l'affaire Kirovles, il est également inculpé dans plusieurs autres affaires pour escroquerie.

Les autorités «qui m'appellent voleur (...) sont des escrocs qui ont peur de moi parce que je veux les balayer des postes où ils volent des milliards», a accusé M. Navalny dans l'entretien à MK.

Il a confié emmener à Kirov jeudi des effets personnels, en cas d'incarcération.

«C'est bête de se retrouver dans une cellule sans pantoufles et sans survêtement», a-t-il dit, ajoutant qu'il avait facilement trouvé des conseils en la matière sur l'internet, dans un pays «où un million d'hommes sont sous les verrous».

Père de deux enfants, il a également avoué qu'il passait beaucoup de temps avec sa famille avant de prendre mercredi soir un train pour Kirov.

«Si ton enfant a cinq ans, il aura 11 ans dans six ans et tu ne pourras jamais plus jouer avec lui tel qu'il était à cinq ans. C'est une chose qu'on ne peut pas remettre à plus tard», a-t-il dit.