L'initiative de l'Union européenne excluant les territoires occupés de sa coopération avec Israël place le gouvernement Nétanyahou face à dilemme: soit s'exposer à des préjudices économiques, soit reconnaître que les colonies ne font pas partie de son territoire, selon des responsables et commentateurs.

Les «lignes directrices», adoptées en juin par l'UE, qui doivent être publiées officiellement vendredi, disposent qu'à partir de 2014, tous les accords avec Israël devront spécifier qu'ils ne s'appliquent pas aux territoires occupés par Israël depuis 1967, c'est-à-dire la Cisjordanie, Jérusalem-Est, la bande de Gaza et le Golan.

Le premier ministre Benjamin Nétanyahou a multiplié mercredi les conversations téléphoniques avec des responsables européens pour tenter d'obtenir un report de la décision, ou au moins des aménagements sur son application.

Il s'est également entretenu avec le secrétaire d'Etat américain John Kerry à qui il a affirmé que cette initiative «gênait les efforts pour reprendre les négociations» avec les Palestiniens, selon une source israélienne.

M. Nétanyahou, qui a convoqué mardi une réunion d'urgence avec les ministres de la Justice et du Commerce ainsi que le vice-ministre des Affaires étrangères, avait alors assuré qu'Israël n'accepterait «pas de diktats de l'extérieur sur (ses) frontières».

Si Israël renonçait aux accords avec l'UE pour ne pas avoir à parapher la clause qu'il conteste, le préjudice pour son économie se chiffrerait en centaines de millions d'euros, en particulier dans le domaine crucial de la recherche et du développement, selon les médias.

D'après la ministre israélienne de la Justice Tzipi Livni, également chargée des négociations avec les Palestiniens, «la politique de stagnation sur le dossier palestinien crée un vide dans lequel la communauté internationale essaie de s'engouffrer».

«J'espère que cela constituera un signal d'alerte qui conduira à une reprise des négociations avec les Palestiniens», a-t-elle déclaré à la radio publique.

En écho, la chef du parti travailliste et de de l'opposition Shelly Yachimovich a estimé que l'«isolement international» auquel s'exposait Israël en poursuivant le statu quo représentait une «menace stratégique tout aussi importante que les armes les plus sophistiquées», une allusion au programme nucléaire iranien, hantise de M. Netanyahu.

Aller encore plus loin

Dans la même veine, le quotidien Haaretz (gauche) souligne que la patience des gouvernements européens à l'égard d'Israël est à bout et que le «moment de vérité» approche.

«Le gouvernement israélien doit décider s'il est prêt à continuer de mettre en péril l'avenir du pays afin de continuer l'occupation», affirme l'éditorial.

Le plus grand quotidien israélien, Yediot Aharonot, cite de hauts responsables israéliens estimant que l'initiative européenne a été coordonnée avec l'administration américaine pour amener le gouvernement Nétanyahou à se montrer plus souple en vue d'une reprise des négociations de paix.

Mais plusieurs ministres du Likoud (droite) de M. Nétanyahou ont assuré que cette initiative sapait au contraire les efforts de M. Kerry pour renouer les négociations.

«Rien de bon ne sortira de cette décision, certainement pas auprès des Palestiniens qui s'en serviront comme prétexte pour ne pas venir à la table des négociations», a déclaré à la radio publique le ministre des Communications Gilad Erdan, un proche de M. Nétanyahou.

Il s'agit d'une «décision erronée et infantile qui empêchera les Européens de constituer un intermédiaire neutre et respecté dans les négociations avec les Palestiniens», a assuré pour sa part le ministre du Développement régional Sylvan Shalom.

Le ministre palestinien des Affaires étrangères Riyad al-Malki s'est en revanche félicité d'un «grand pas en avant de la position européenne en terme de mesures concrètes».

«Il y avait un accord tacite là-dessus mais maintenant il s'agit d'actions tangibles», a-t-il expliqué à la radio officielle Voix de la Palestine, tout en appelant l'UE à faire encore davantage.

Le Hamas, au pouvoir à Gaza, qui ne reconnaît pas Israël, a annoncé dans un communiqué «apprécier cette décision européenne qui est un pas dans la bonne direction», demandant à «l'appliquer dans les faits et accélérer la mise en oeuvre des décisions de boycottage des produits sionistes», en allusion aux produits des colonies.