Nouvelle journée historique au Vatican : le pape François a décidé vendredi de proclamer «saints» deux de ses prédécesseurs, Jean XXIII et Jean Paul II, et publié la toute première encyclique écrite à quatre mains par deux pontifes.

On attendait Karol Wojtyla - pape de 1978 à 2005 - dont le processus de béatification, puis de canonisation, a été mené tambour battant, ce qui fera sans doute de lui le détenteur d'un record historique : être déclaré saint seulement huit ans après sa mort. Les fidèles du très charismatique pape polonais avaient d'ailleurs crié «Santo Subito!» (Saint, tout de suite!) dès le jour de ses funérailles, alors que plusieurs années sont normalement requises avant toute démarche.

«Dans le coeur des fidèles il était déjà saint à ce moment-là», relevait vendredi un moine mexicain, Jesus Manuel, interrogé par l'AFP-TV sur la Place Saint-Pierre.  «Wojtyla était déjà un saint quand il était pape, renchérissait Felipe, guide touristique colombien.

Mais le pape argentin a créé la surprise en ajoutant celle du pape dont il se sent sans doute le plus proche : Jean XXIII. Surnommé «le bon pape», Angelo Giuseppe Roncalli (pape de 1958 à 1963) est souvent considéré comme le père de la rénovation de l'Église catholique pour avoir lancé le concile Vatican II qui a tracé des lignes novatrices : abandon du latin et du port obligatoire de la soutane, mais surtout liberté de conscience et ouverture aux autres religions et aux non-croyants.

«Son intervention dans l'Église a marqué une époque», commentait un séminariste italien.

Venu du «bout du monde», l'Argentin Jorge Bergoglio a lui aussi entrepris une forme de révolution dans l'Église en s'attaquant à des réformes de la Curie et des finances du Vatican qui font déjà grincer des dents chez certains prélats au sommet de l'Église.

Signe du vif désir du nouveau pape de coupler les deux canonisations, le pape a approuvé la prochaine canonisation de Jean XXIII, sans même qu'un miracle par son intercession n'ait été validé, une procédure plutôt rare.

La date de cette double cérémonie n'est pas encore connue. Elle pourrait avoir lieu «avant la fin de l'année», a simplement dit le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi.

Selon des sources citées par l'agence d'informations sur le Vatican, i.media, cette double canonisation permettrait aussi de relativiser la promotion particulièrement rapide du pape polonais qui a certes marqué l'histoire -notamment pour la chute du communisme-, mais autour duquel subsistent des zones d'ombre : notamment la gestion de la Curie et des affaires de pédophilie au sein du clergé.

Autre raison qui peut expliquer la décision de célébrer les deux papes en même temps : de par son attitude, Jorge Bergoglio est très proche du souriant et bienveillant Jean XXIII. Ses embrassades pendant ses tours en «papamobile» dans la foule, ses improvisations, son langage direct et simple contrastent avec la personnalité de son austère et timide prédécesseur l'ex-théologien Benoît XVI.

Pour autant, aucune divergence doctrinale ne sépare les deux hommes qui cohabitent dans le plus petit État du monde, après la démission historique du pape allemand qui a stupéfié le monde entier en février dernier.

En témoigne l'encyclique publiée ce vendredi par le pape François qui a repris et complété la première version écrite par Joseph Ratzinger. Dans «Lumen fidei» (lumière de la foi), François affirme que la foi sert «le bien commun» et réitère l'opposition du Vatican au mariage homosexuel.

Il y soutient aussi que la foi reste d'actualité. Face au sentiment largement répandu, notamment dans les sociétés occidentales, qu'elle serait une affaire du passé, une «illusion», Jorge Bergoglio affirme au contraire qu'elle éclaire «le présent».

C'est la première fois en 2.000 ans d'histoire de l'Église qu'un pape reprend le travail largement entamé par son prédécesseur de son vivant. «J'assume son précieux travail, ajoutant au texte quelques contributions ultérieures», écrit François.

Les deux hommes se sont d'ailleurs retrouvés tôt vendredi dans les jardins du Vatican, à l'occasion de l'inauguration d'une nouvelle statue en bronze de l'archange Saint-Michel.

Jorge Bergoglio a embrassé avec affection Joseph Ratzinger qu'il avait «invité personnellement» à cette cérémonie, une forme d'hommage le jour de la publication de l'encyclique... et de l'annonce de la double canonisation.

Joie en Pologne

L'Église catholique en Pologne et les Polonais ont accueilli avec joie l'annonce vendredi par le pape François.

«Nous sommes heureux, car nous avons là un document très concret, un décret signé aujourd'hui par le Saint-Père qui reconnaît officiellement le miracle dû à l'intercession de Jean-Paul II», a déclaré à l'agence de presse PAP le secrétaire de l'épiscopat polonais, Mgr Wojciech Polak.

«Ceci nous rapproche de la date de canonisation», a-t-il ajouté.

«C'est une joie immense», a pour sa part déclaré à la radio publique le père Jozef Kloch, porte-parole de l'épiscopat.

«Une joie immense pour l'Église, mais aussi pour tous les Polonais qui ont Jean Paul II dans leur coeur», a-t-il ajouté.

«Reste à fixer la date de sa canonisation», a ajouté le père Kloch, selon lequel cela devrait avoir lieu encore cette année.

«Vraiment, je suis très heureux que ce processus touche enfin à sa fin, je pensais d'ailleurs qu'il prendrait moins de temps», a déclaré Leszek Traczyk, un quadragénaire habitant Varsovie, interrogé par l'AFP au coeur de la place Pilsudski.

C'est sur cette place que le pape Jean Paul II avait prononcé ses célèbres paroles au cours de sa première visite, en 1979, en Pologne, pays encore communiste, des paroles qui avaient donné l'impulsion aux Polonais pour s'opposer au régime.

Son appel au Saint-Esprit à «venir rénover la face de cette terre» avait alors été interprété par les Polonais comme un encouragement à résister au régime communiste et, un an plus tard, Solidarnosc, le premier syndicat libre du bloc soviétique, naissait.

«J'espère que les gens vont vouloir en savoir un peu plus sur ce personnage, puisqu'un homme est canonisé ça vaut peut être la peine de s'intéresser davantage à lui et à son histoire», a déclaré à l'AFP Paulina Kondrat, une étudiante habitant à Varsovie.