L'ex-milliardaire russe Mikhaïl Khodorkovski, arrêté en 2003, fête mercredi en détention ses 50 ans sans vraiment croire à une libération, et les médias évoquent même un nouveau procès de cet ancien oligarque qui avait financé l'opposition.

L'ex-homme le plus riche de Russie fêtera son anniversaire en prenant du thé avec ses codétenus, avant d'aller au parloir pour une visite de ses proches, a indiqué son avocat Vadim Kliouvgant.

Un rassemblement de ses partisans était prévu pour 19 h (11h à Montréal) dans le centre de Moscou.

Mikhaïl Khodorkovski, qui doit être libéré en octobre 2014, dit cependant ne pas vraiment croire à cette éventualité.

«Je doute de la possibilité d'une libération», a-t-il déclaré dans des réponses aux questions de l'hebdomadaire The New Times, publiées lundi.

Les médias russes évoquent ces dernières semaines la possibilité qu'un troisième procès soit intenté contre lui.

Lundi soir, la chaîne de télévision NTV, proche du pouvoir, a diffusé un documentaire insinuant que l'ex-oligarque était responsable de l'assassinat en 1998 du maire d'une petite ville de Sibérie occidentale. Selon cette chaîne, le groupe Ioukos de M. Khodorkovski était en conflit avec cet élu dans cette région pétrolière.

Le chef du service de sécurité de Ioukos Alexeï Pitchouguine a été condamné en 2007 à la perpétuité pour ce crime et pour d'autres meurtres, qu'il niait.

Des chaînes de télévision publiques ont également diffusé mercredi des sujets évoquant le lien entre le groupe Ioukos et l'assassinat du maire.

Par ailleurs, la presse russe voit des signes d'intérêt renouvelé des forces de l'ordre pour M. Khodorkovski dans les ennuis que se sont attirés des experts qui avaient conclu en 2011 que sa deuxième condamnation était infondée.

La chef du groupe d'experts, Tamara Morchtchakova, ancienne juge de la Cour constitutionnelle, a annoncé cette semaine avoir été invitée au Comité d'enquête.

Son collègue Mikhaïl Soubbotine devait rencontrer les enquêteurs mercredi.

Fin mai, un autre expert de ce groupe, l'économiste libéral Sergueï Gouriev, avait fui la Russie pour la France après avoir été lui aussi interrogé, expliquant qu'il ne voulait pas partager le sort de Khodorkovski.

«On fait comprendre aux experts que l'objectivité finit là où elle touche aux intérêts du pouvoir», notait mercredi l'influent quotidien Vedomosti.

«Tant que Poutine sera au pouvoir, Khodorkovski restera en prison», écrivait mercredi l'opposant et ex-champion d'échecs Garry Kasparov sur son blogue.

Pour un autre opposant, Boris Nemtsov, le Kremlin «prépare un nouveau procès fou, car il a peur de Khodorkovski plus que d'Al-Qaïda».

Des espoirs de libération étaient nés ces dernières semaines d'un projet de loi d'amnistie des crimes économiques, défendu par les milieux d'affaires.

Mais en annonçant son soutien au texte vendredi, Vladimir Poutine avait posé de multiples conditions, dont l'exclusion des personnes condamnées plusieurs fois, ce qui écarte a priori M. Khodorkovski.

Le président russe a fait montre à plusieurs reprises d'une animosité personnelle à l'égard de l'ex-oligarque, qu'il a comparé à l'occasion au financier américain Bernard Madoff, voire au mafieux Al Capone. Il a lui-même plusieurs fois laissé entendre que Mikhaïl Khodorkovski avait du sang sur les mains.

Le regain d'intérêt des forces de l'ordre russes pour l'affaire Khodorkovski survient à un moment où de plus en plus de Russes se déclarent favorables à la libération anticipée du milliardaire déchu.

Un Russe sur trois (33 %) souhaite aujourd'hui cette libération, contre 16 % qui s'y opposent, selon un sondage de l'institut indépendant Levada.

En février 2007, 19 % étaient pour la libération de M. Khodorkovski et 44 % contre.

M. Khodorkovski et son principal associé, Platon Lebedev, ont été arrêtés en 2003 et condamnés en 2005 à huit ans de camp pour escroquerie et fraude fiscale.

Cette peine a été portée à 14 ans en décembre 2010 à l'issue d'un second procès, pour «vol de pétrole», un total réduit d'abord d'un an en appel, ensuite de deux ans en vertu d'une modification de la législation, ce qui devrait les maintenir en prison jusqu'en 2014.

L'affaire Ioukos a été dénoncée en Russie et à l'étranger comme étant une opération inspirée par le Kremlin pour reprendre le contrôle de précieux actifs pétroliers et mettre au pas un homme d'affaires qui avait manifesté des ambitions politiques et finançait l'opposition.