Le président tchèque Milos Zeman a désigné mardi l'économiste et ex-ministre social-démocrate Jiri Rusnok à la tête d'un «gouvernement d'experts», suscitant l'ire de la coalition sortante qui veut être reconduite.

«Malheureusement, le président n'a pas calmé la situation. Au contraire, il a provoqué un tsunami», a constaté le vice-président du parti de droite ODS, le ministre sortant de l'Industrie Martin Kuba.

M. Rusnok, 52 ans, doit former son gouvernement qui, une fois approuvé par le chef de l'État, devra faire l'objet sous 30 jours d'un vote de confiance des députés. Une mission qui s'annonce impossible.

«Ce gouvernement n'a aucune chance d'être entériné par la Chambre basse et d'imposer un budget pour 2014», a martelé le ministre sortant des Finances Miroslav Kalousek, vice-président du parti de droite TOP 09.

L'actuelle crise politique, ouverte par la démission du gouvernement de centre droit de Petr Necas après un scandale de corruption et d'abus de pouvoir impliquant une proche collaboratrice et maîtresse présumée de M. Necas, risque de durer des mois.

La coalition sortante veut une reconduction du gouvernement jusqu'aux élections législatives normalement prévues pour mai 2014, avec à sa tête Miroslava Nemcova, vice-présidente du parti de droite ODS de M. Necas et chef de la chambre basse.

Peu avant la désignation de M. Rusnok, la coalition a annoncé au président Zeman qu'elle avait recueilli les signatures de 101 députés (sur 200 au total) en faveur de la reconduction du gouvernement, soit la majorité absolue nécessaire au parlement pour obtenir l'investiture.

La désignation de M. Rusnok n'est qu'une «perte de temps», a affirmé Mme Nemcova, avant de regretter que le président n'ait «pas respecté la volonté des députés».

M. Rusnok, quant à lui, a affirmé au cours d'une cérémonie au Château de Prague que son gouvernement serait «formé, puis nommé dans les quinze jours au plus tard».

Diplômé de l'École supérieure d'Économie à Prague, M. Rusnok a notamment occupé les postes de ministre des Finances (2001-2002) et de l'Industrie et du Comme rce (2002-2003), en tant que membre du parti social démocrate CSSD entre 1998 et 2010.

Plusieurs personnalités proches de Milos Zeman et de la gauche sont citées par la presse comme étant des membres pressentis de ce gouvernement.

Parmi eux, Martin Pecina, ex-ministre de l'Intérieur et ancien député social-démocrate, le chef de la centrale syndicale CMKOS Jaroslav Zavadil, particulièrement critique à l'égard du gouvernement sortant, et l'ancien diplomate Hynek Kmonicek, aujourd'hui chef de la section des Affaires étrangères à la présidence.

La Constitution permet trois tentatives pour former un gouvernement avant l'organisation d'élections anticipées. Le président désigne le premier ministre à l'issue des deux premières tentatives, sinon, à la troisième, cette tâche revient au président de la Chambre basse.

«Si la coalition conserve son actuelle majorité (absolue) de 101 voix, M. Zeman peut lui offrir une chance au cours de la deuxième tentative, ou bien elle peut réussir à la troisième tentative, pilotée par le chef de la Chambre basse», a déclaré l'analyste Jindrich Sidlo, à la télévision CT 24.

La loi fondamentale ne fixe aucun délai pour les deux autres tentatives de former le gouvernement.

Contrairement à certaines déclarations antérieures, la coalition sortante refuse de suivre l'opposition social-démocrate (CSSD) et communiste (KSCM) dans sa revendication d'organiser rapidement des élections anticipées.

Selon les sondages, le CSSD fait figure de grand favori en cas d'éventuelles élections anticipées.

La voie la plus rapide vers un tel scrutin serait l'autodissolution de la Chambre basse. Une majorité qualifiée de 120 voix sur 200 est requise pour cette démarche. Cette assemblée pourrait éventuellement procéder à ce vote à la mi-juillet.

La principale tâche du gouvernement de M. Rusnok sera de préparer le budget 2014, dont le projet doit être remis à la chambre basse avant le 30 septembre.

Il s'agira du troisième gouvernement d'experts depuis l'indépendance de la République tchèque en 1993, après ceux dirigés par l'ancien gouverneur de la banque centrale Josef Tosovsky (1998) et par l'ex-chef de l'office des statistiques Jan Fischer (2009-10).