En cent jours de pontificat, François, le premier pape venu d'Amérique, a acquis une popularité inédite, imprimant une révolution dans les gestes et les symboles, sans dévier de la ligne rigoureuse de ses prédécesseurs sur les moeurs et la doctrine.

Jorge Bergoglio, ancien cardinal de Buenos Aires, et premier pape à s'appeler François -du nom de François d'Assise- a marqué dès son entrée en fonction par sa simplicité, l'attention portée à la pauvreté.

Avec quelques phrases humbles, celui qui se désigne plus volontiers comme «évêque de Rome», a acquis une popularité qui va bien au delà des milieux chrétiens. Il hérite d'une Eglise en crise, marquée par le scandale de la pédophilie, la corruption et les fuites de l'affaire «Vatileaks» de l'an dernier.

D'entrée, il a imposé un nouveau style par rapport au timide Benoît XVI, dont le message exigeant et le style professoral ne passaient pas bien. Au contraire, François se mêle à la foule, embrasse, bénit, parle, plaisante, prie avec les gens qui affluent.

«François a cette capacité extraordinaire de donner le sentiment à chacun de se sentir regardé, considéré individuellement», note le vaticaniste de l'Espresso, Sandro Magister.

Sous le regard de son prédécesseur, qui a démissionné le 28 février et s'est retiré dans un ancien monastère au Vatican, -une cohabitation totalement inédite-,  François a été élu par les cardinaux pour relancer l'élan missionnaire de l'Eglise et réformer son gouvernement, la Curie.

À 76 ans, il a refusé de s'installer dans l'appartement pontifical, restant dans la résidence Sainte-Marthe, au milieu des hôtes de passage et des prélats, pour ne pas être coupé du monde.

Le cardinal argentin ne connaissait presque personne à la Curie. Ne s'est-il pas isolé? Sandro Magister ne le croit pas: «C'est un pape qui a voulu être indépendant d'une certaine Curie, ne pas être prisonnier de sa bureaucratie, mais il s'est construit un vaste réseau avec ses contacts personnels».

«La Curie n'est pas un bloc compact, et beaucoup sont heureux qu'il y ait de nouveau un pape prêt à s'occuper d'elle, de la restructurer», affirme le vaticaniste du Fatto Quotidiano, Marco Politi.

Infatigable, Bergoglio, homme très religieux, austère et discipliné derrière l'abord jovial, a longuement consulté. Il prend son téléphone et multiplie les contacts.

Le premier pape jésuite a choisi seul huit cardinaux des cinq continents, pour le conseiller dans le gouvernement de l'Eglise et la réforme de la Curie.

Cette réforme devrait commencer sans doute à l'automne. En attendant, les «ministres» de Benoît XVI ont été maintenus. «Sous contrat précaire», note Sandro Magister. Beaucoup au Vatican s'inquiètent pour leur avenir après les diatribes du pape contre la mondanité et le carriérisme. Homme de principe, conservateur, exigeant, déterminé, il peut sévir contre le clergé corrompu.

Des services du Vatican pourraient été regroupés et la collégialité sera renforcée pour gérer une Eglise d'1,2 milliard de baptisés.

Signe que le nouveau pontificat suscite des tensions, Guzman Carriquiry, laïc uruguayen et secrétaire de la commission pontificale pour l'Amérique Latine, a dénoncé la tendance à «opposer François et Benoît», y voyant «l'oeuvre de Satan».

Outre la réforme de la Curie, la priorité du pape est la «mission»: aller vers les «périphéries géographiques et existentielles» comme il le répète. Son instrument privilégié est l'homélie du matin, où il tente d'aller au plus près du quotidien des gens, avec des formules parfois choc, comme lorsqu'il reproche au clergé d'avoir «inventé un huitième sacrement: le sacrement de la douane», qui contrôle si les fidèles sont «en règle».

Ces homélies improvisées lui valent l'hostilité de ceux qui commencent à «mener une résistance passive aux réformes: il est accusé d'être démagogue, paupériste, répétitif, simpliste, trop curé, pas assez pape», énumère Politi.

Doctrinalement, pas de grande différence entre François et Benoît, auquel le nouveau pontife rend souvent hommage. Tous deux dénoncent une Eglise bureaucratique ou défendent la «Création» et la vie dans «toutes ses phases». Mais selon Politi, il n'y a plus chez lui «l'obsession de transformer certaines valeurs de l'Eglise, les fameux principes non négociables, en idéologie politique».

Contrairement à son prédécesseur, François, même s'il encourage les parlementaires à «amender» ou «abroger» les lois si nécessaire, ne prononce jamais de condamnations directes de l'avortement, de l'euthanasie ou du mariage gay: un «silence qui correspond à une volonté délibérée» de laisser les épiscopats seuls intervenir, selon Magister.