La police turque a évacué samedi par la force le dernier carré des manifestants qui occupaient le parc Gezi d'Istanbul, le bastion de la fronde antigouvernementale qui agite la Turquie depuis deux semaines, après un nouvel ultimatum du premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

Le collectif Solidarité Taksim, qui chapeaute l'organisation de la contestation au Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, a dénoncé dimanche des violences policières lors de l'assaut contre le parc Gezi d'Istanbul.

«Cette attaque brutale conduite par la police doit s'arrêter. C'est le parti politique au pouvoir qui sera responsable des événements d'aujourd'hui et de demain», écrit le collectif dans un communiqué.

«A l'heure actuelle, nous manifestons à travers le pays contre l'attaque du gouvernement et nous marchons dans le quartier de Taksim», où se situe le parc Gezi, ajoute le collectif, qui dénonce des «centaines de manifestants blessés» et des dizaines de personnes touchées par des «balles en caoutchouc» qui ne peuvent pas être hospitalisées.

La police a dispersé samedi soir à coups de canons à eau et de gaz lacrymogènes la place Taksim où se massaient des centaines de manifestants. Dans la foulée, elle a lancé l'assaut sur le parc Gezi occupé depuis le 1er juin par des milliers de manifestants. Ces derniers ont fui les gaz lacrymogènes permettant aux policiers de démanteler les tentes dressées dans le camp. Depuis plusieurs heures, la police cherche à repousser le plus loin de la place Taksim tout manifestant. Des centaines de policiers sont déployés dans les rues donnant sur la place à la recherche des manifestants.

La police intervient jusque dans le lobby de grands hôtels, comme le Hilton et le Divan. L'hôtel Divan, proche du camp Gezi, a été transformé en hôpital de campagne pour soigner les manifestants touchés par les gaz lacrymogènes ou les balles en caoutchouc. Pour sa part, le gouvernement avance un bilan de 29 blessés.

«Ils sont entrés de force, avec beaucoup de gaz. Ils nous ont frappés, même les femmes», a raconté à l'AFP un des manifestants, Ader Tefiq.

«Ils nous ont pris nos lunettes de protection et nos masques», a rapporté de son côté Mey Elbi, une professeure de yoga de 39 ans qui se trouvait dans le parc lorsque la police l'a investi. «Nous sommes en colère, mais ce n'est pas fini», a-t-elle ajouté, «le monde entier a vu que lorsque nous sommes ensemble, nous pouvons tenir tête à Tayyip».

Sitôt connue l'évacuation du parc, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue à Istanbul et dans la capitale Ankara aux cris de «gouvernement, démission!» ou «c'est partout Taksim, c'est partout la résistance».

Deux heures plus tôt, le chef du gouvernement avait lancé un nouvel avertissement aux manifestants, lors d'un discours prononcé devant plusieurs dizaines de milliers de partisans réunis dans une lointaine banlieue d'Ankara.

«Nous avons une réunion publique demain à Istanbul. Je le dis clairement: si Taksim n'est pas évacuée, les forces de sécurité de ce pays sauront comment l'évacuer», a lancé M. Erdogan sur le ton ferme qu'il affectionne depuis le début de la crise.

Samedi matin, la coordination des manifestants, le collectif Solidarité Taksim, avait annoncé son refus de quitter le parc Gezi, malgré les gestes de conciliation du pouvoir.