La polémique sur l'existence d'un supposé «lobby gai» au Vatican a encore fait trembler la planète catholique mercredi. Selon un compte rendu d'une rencontre entre le pape et des religieux sud-américains, François aurait reconnu l'existence d'un tel «lobby», en plus de déplorer l'ampleur de la «corruption» au sein de la curie.

Q Qu'est-ce que le «lobby gai» au Vatican?

R John Allen, le vaticaniste de l'hebdomadaire américain The National Catholic Reporter, rappelle que l'expression «lobby gai» n'est pas utilisée par le Vatican, mais a été inventée par un journaliste du quotidien La Repubblica. Il ne s'agit donc pas d'un «lobby homosexuel» militant pour les droits des homosexuels, mais plutôt d'un groupe de hauts prélats homosexuels qui craignent que leurs ennemis les fassent chanter en menaçant de révéler leurs activités sexuelles, inacceptables au Vatican. Ces derniers auraient attaqué de manière préventive en remettant des documents nuisibles à ces ennemis, créant le fameux «Vatileaks», selon la thèse d'un groupe de vaticanistes italiens.

Q Qu'aurait dit le pape sur le «lobby gai» ?

R Les récents propos controversés sont tirés d'un compte rendu d'une rencontre entre le pape et la Confédération latino-américaine des religieux et religieuses (CLAR) le 6 juin. Ce compte rendu, rédigé par la CLAR et diffusé sur un site internet chilien, a été propulsé en manchette mondiale par le quotidien italien La Repubblica. À la question: «Y a-t-il un lobby gai au Vatican?», le pape aurait répondu: «On parle de «lobby gai», et c'est vrai, il existe. Il faut voir ce que nous pouvons faire.»

Q Qu'aurait dit le pape au sujet de la corruption au sein de la curie?

R «Dans la curie, il y a des gens saints, vraiment, mais il y a aussi un courant de corruption», aurait dit le pape. Une réforme de la curie devrait s'attaquer au fléau, mais, dit-il, «je ne peux pas mener, moi, la réforme», car elle est trop «désorganisée». Une commission de cardinaux aura la responsabilité de «la mener à bien».

Q Comment a réagi le Vatican?

R «Pas de commentaire», a répliqué le Vatican, puisque les propos rapportés relèvent d'un «entretien privé». En fait, a expliqué la CLAR, l'entretien n'a pas été enregistré et les propos ont été rédigés «de mémoire» par la demi-douzaine de représentants qui y étaient et n'étaient pas destinés à être publiés. Ainsi, selon le communiqué de la CLAR, les propos «ne peuvent pas être attribués avec certitude au Saint-Père».

Q Qu'en pensent les observateurs?

R John Allen, du National Catholic Reporter, n'est guère ébranlé. «Ce n'est pas un secret de dire qu'il y a des gais au Vatican», a-t-il écrit sur son blogue hier. Il est raisonnable de croire que les autorités vaticanesques soient préoccupées si des prélats sont l'objet de chantage s'ils cachent un secret. Le journal catholique français La Croix y voit surtout un exemple d'enflure médiatique à une époque superbranchée. «La frontière entre la parole publique, institutionnelle et privée a fondu», écrit le blogueur romain Frédéric Mounier. «Le pape, qui parle beaucoup à beaucoup de monde, en fait, comme d'autres l'apprentissage.»