Le divorce de Vladimir Poutine a laissé la Russie perplexe, les experts s'interrogeant vendredi sur l'annonce inattendue d'un président qui avait fait de sa vie privée un secret d'État, jusqu'à envisager l'arrivée d'une nouvelle Première dame.

M. Poutine et son épouse Lioudmila, qui n'apparaissaient depuis des années presque plus en public ensemble, ont annoncé jeudi leur séparation dans une interview télévisée.

«La vie privée de Poutine est ainsi devenue publique pour la première fois», commente l'analyste du centre Carnegie à Moscou Maria Lipman.

«Il me semble que quelque chose doit suivre, autrement cela n'aurait pas de sens», poursuit-elle.

Des rumeurs circulent depuis des années sur une liaison du président russe avec la gymnaste et championne olympique Alina Kabaïeva, aujourd'hui députée, et sur le devenir de Lioudmila Poutine, que certains ont même affirmé être recluse dans un monastère.

En avril 2008, le journal Moskovski Korrespondent a été fermé après avoir évoqué un possible divorce de Vladimir Poutine et son remariage avec la gymnaste.

«Une masse critique de ragots s'est accumulée, la cote de popularité de Poutine baisse et son image d'homme d'État efficace s'effondre. Il semble qu'il a été jugé plus rationnel de reconnaître que ce mariage n'existe plus», souligne Lev Goudkov de l'institut de sondage indépendant Levada.

«La question se pose de savoir à quoi sert le divorce. Pour se remarier? On ne peut pas exclure qu'on apprenne bientôt l'existence d'une autre femme», estime Maria Lipman.

L'information est que le président russe, 60 ans, qui cultive soigneusement une image de macho, est désormais le «meilleur parti du pays», a ironisé le journaliste Andreï Kolesnikov, connu pour ses livres sur le président.

À Saint-Pétersbourg, ville natale de Vladimir Poutine où il avait fait connaissance avec Lioudmila, cette hypothèse est aussi dans toutes les conversations.

«Il est bien probable qu'il se remarie bientôt avec une jeunette», assurait ainsi Svetlana, une vendeuse et 54 ans.

Le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov, a dû intervenir vendredi sur la radio Écho de Moscou pour balayer ces rumeurs.

«Regardez l'agenda de Poutine et vous verrez que sa vie n'est absolument pas liée à des relations familiales, elle est seulement liée à la responsabilité qu'il assume en tant que chef de l'État», a-t-il dit.

Pour le politologue Mark Ournov, l'annonce du divorce est plus probablement «une opération de communication efficace qui montre le côté humain du président et qui vise à enrayer la chute de sa popularité».

«En Russie, le divorce n'est pas considéré de la même manière qu'aux États-Unis», poursuit-il.

«Les divorces en Russie sont fréquents et le couple Poutine a montré un bon modèle de divorce civilisé», poursuit l'analyste.

M. et Mme Poutine ont affirmé jeudi que leur divorce relevait d'une «décision commune», chacun ayant sa vie et leurs filles ayant grandi.

Même si cette décision va à l'encontre du conservatisme social qui domine ces dernières années en Russie, et des valeurs traditionnelles orthodoxes prônées par le pouvoir, la contradiction a très peu de chances de froisser les Russes.

«Pour les libéraux, c'est le pied, et les conservateurs s'en fichent», résume M. Ournov.

Plusieurs hommes politiques et journalistes libéraux très critiques à l'égard de Poutine ont salué à leur manière sa décision.

«Poutine agit rarement honnêtement. L'annonce de son divorce est honnête», a écrit sur Twitter l'opposant Boris Nemtsov.

«Sa vie de famille lui pesait depuis longtemps, c'était visible. C'est une bonne décision, qui libère et n'oblige pas à mentir encore plus», a estimé Matveï Ganapolski, commentateur de la radio Écho de Moscou.