Trois cent cinquante ans après leur départ pour la Nouvelle-France, le souvenir des Filles du Roy est enfin célébré en France.

Une plaque commémorative leur rendant hommage a été dévoilée jeudi à Paris. Trois autres le seront au cours des prochains jours à Rouen, Dieppe et La Rochelle. Dans chaque cas, la cérémonie aura conclu une journée de conférences visant à mieux cerner la réalité historique de ces pionnières.

Comment expliquer qu'on ait attendu trois siècles et demi en France pour rappeler leur rôle? «Parce qu'on a rend d'abord hommage aux hommes, et aux grands hommes, avant de penser aux femmes», résume la Québécoise Maud Sirois-Belle, une passionnée d'histoire qui a organisé ces manifestations.

Il était «grand temps de réparer cet oubli», ajoute Gilbert Pilleul, le coprésident de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, qui l'attribue pour une bonne part à l'«image entachée» des «Filles du Roy» souvent présentées par la petite histoire comme des «filles de joie».

«Il y a eu beaucoup de légendes et de déformations de l'histoire, mais elles n'étaient pas des prostituées, tranche Mme Sirois-Belle. Au contraire, Colbert, le ministre de Louix XIV, avait fait en sorte qu'on recrute des femmes triées sur le volet, saine, belles, costaudes et intelligentes.»

Elles n'étaient pas toutes pauvres non plus, ni orphelines. Il y avait même quelques filles de la noblesse et une quinzaine de protestantes.

«Parties presque en même temps pour jouer un même rôle», les Filles du Roy étaient d'abord des «femmes à marier», embarquées à Dieppe, surtout, pour aller «faire des familles» dans la colonie. En une décennie, entre 1663 et 1673, elles ont été plus de 770 à traverser l'Atlantique pour s'établir en Nouvelle-France. Environ 250 d'entre elles venaient de Paris.

«Ce sont les mères de la nation québécoise, rappelle Maud Sirois-Belle. Elles ont renversé l'ordre des choses. En dix ans, elles ont fait tripler la population. Les hommes, les soldats, se sont fixés au pays. Elles ont fait tellement d'enfants que la population née sur les bords du Saint-Laurent a dépassé le nombre d'émigrants. On n'a plus eu besoin d'aller chercher des femmes et des hommes en France.»

Le recrutement des Filles du Roy, la traversée, l'accueil à Québec, leur mariage et leur installation étaient pris en charge par le Trésor royal. Certaines eurent même droit à un trousseau et une dot du roi Louis XIV. La liberté, exceptionnelle pour l'époque, de choisir leur époux leur avait été accordée.

«Le pays leur offrait un avenir. Elles se sont profondément attachées au lieu», dit Mme Sirois-Belle

Parti de La Rochelle, le premier contingent recruté à la Salpêtrière, devenu un immense hôpital du 13e arrondissement, comptait 36 femmes. Pendant les cérémonies, 36 Québécoises en costumes d'époque leur rendent hommage à travers des animations et des «tableaux vivants».