L'adhésion de la Croatie à l'Union européenne le 1er juillet va durement frapper les entreprises publiques de ce pays balkanique où quelque 10 000 suppressions de postes sont prévues d'ici 2015, mais des compagnies privées qui ont déjà réussi à s'adapter au marché européen y voient leur chance.

Fierté nationale, créée la veille de la proclamation de son indépendance de l'ex-Yougoslavie en 1991, la compagnie aérienne nationale Croatia Airlines lutte pour la survie.

Les turbulences que traverse Croatia Airlines sont l'image criante d'un pays économiquement malade, en récession depuis 2009, qui s'apprête à rejoindre l'infirmerie européenne, déjà occupée au chevet de certains membres comme l'Espagne, l'Italie, Chypre et la Grèce.

«Nous entrons gravement malades dans l'UE, qui est, elle aussi, gravement malade», résume l'analyste Zarko Puhovski.

En adhérant à l'UE, Zagreb doit entièrement aligner son économie sur les règles européennes et le gouvernement ne pourra plus verser de subventions à Croatia Airlines, ce qui lui permettait de fonctionner malgré les dettes qui s'accumulaient.

Selon le plan de restructuration, un poste sur cinq devra être supprimé dans cette entreprise qui emploie actuellement 1100 personnes.

Les pilotes et agents de bord ont observé une grève pendant plus d'une semaine en mai, pour protester contre des réductions de salaire et des licenciements prévus par la direction.

«Si le plan de restructuration n'est pas mis en place, la compagnie va faire faillite. Il n'y a pas de marche arrière», a mis en garde le ministre des Transports, Sinisa Hajdas Doncic.

Confronté à cette dure réalité, avec des pertes de 64 millions d'euros en 2012 et une dette totale de quelque 132 millions d'euros, le président de la compagnie, Kresimir Kucko, voit une solution dans la privatisation.

«À long terme, l'intérêt de l'État sera de privatiser cette compagnie», dit M. Kucko.

La situation est similaire à celle d'autres compagnies publiques, gérant les chemins de fer, les autoroutes et la poste, où 10 000 suppressions d'emplois, soit un tiers de salariés, sont prévues d'ici à 2015.

La restructuration des entreprises publiques subventionnées et endettées figurait parmi les principaux critères imposés aux autorités croates par Bruxelles durant les négociations d'adhésion.

Durant les négociations d'adhésion, la Croatie a également été obligée de présenter à Bruxelles un plan de restructuration de ses chantiers navals, ce qui aura également pour conséquence le licenciement de nombreux salariés dans ce secteur qui emploie environ 10 000 personnes et qui subsistait également grâce aux aides du gouvernement.

Le chômage touche déjà en Croatie 21% de la population, un des chiffres les plus élevés au sein du bloc européen.

Zagreb espère que l'adhésion va attirer des investisseurs et compte sur une aide européenne estimée à 11,7 milliards d'euros d'ici à 2020 pour redresser l'économie.

Malgré l'ambiance économique généralement morose, certaines compagnies privées qui se sont adaptées au fil des ans aux règles du jeu européen entendent améliorer leurs performances après l'adhésion.

Non loin du siège de Croatia Airlines, près de Zagreb, la fabrique de chaussures Ivancica se vante d'avoir réussi à accroître ses ventes ces dernières années vers des pays de l'UE comme l'Autriche, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.

«Nous respectons strictement les délais et écoutons attentivement la demande du marché», explique Eda Rain, porte-parole de cette compagnie.

Fondée en 1946 par un groupe de cordonniers qui faisaient des chaussures pour des mineurs, Ivancica compte aujourd'hui quelque 700 salariés.

Quelque 70% de ses revenus proviennent des exportations, dont 80% dans les pays de l'UE.

«Connaître le marché est très important», dit Mme Rain, en ajoutant que par exemple des clients allemands sont plus traditionnels en matière de couleurs et de décorations, alors que les chaussures destinées au marché russe ont souvent de la fourrure et des détails scintillants.

«L'Europe centrale, où nous avons jusqu'à maintenant été présents dans le commerce de gros seulement, est notre marché prioritaire. Après la suppression des barrières douanières à partir du 1er juillet, nous serons plus près de nos clients», dit Mme Rain.