Le procès du Mediator, un médicament à l'origine d'un des plus grands scandales sanitaires en France et accusé d'avoir causé des centaines de morts, reprend mardi devant le tribunal de Nanterre après avoir tourné court il y a un an pour des raisons de procédure.

Selon un rapport d'experts judiciaires rendu public en avril, le Mediator, un médicament destiné aux diabétiques, mais largement prescrit comme coupe-faim et commercialisé de 1976 à 2009 en France, pourrait à terme causer 1300 à 1800 morts uniquement par valvulopathie.

Quelque 700 parties civiles demandent réparation devant le tribunal de Nanterre (banlieue de Paris), sans attendre l'issue de l'instruction menée parallèlement par le parquet de Paris sur les mêmes faits.

Les victimes présumées ont misé sur une procédure rapide : une citation directe pour «tromperie aggravée» dans laquelle leur revient la tâche d'apporter les preuves, sans avoir accès aux investigations parisiennes.

Elles reprochent à Jacques Servier, 91 ans, fondateur des laboratoires du même nom, de les avoir «délibérément» trompées sur la composition du Mediator. Les malades n'auraient pas été informés de «la nature anorexigène» de son principe actif, le Benfluorex à l'origine du développement de valvulopathies (déformation des valves cardiaques) et d'hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie rare actuellement incurable.

Les parties civiles disposent de plusieurs pièces maîtresses comme les annexes du rapport accablant de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui estime que le retrait du Mediator «aurait pu être décidé dès 1999», soit dix ans avant sa disparition du marché.

Le procès, qui avait débuté le 14 mai 2012, avait très vite tourné court, M. Servier contestant un procès à Nanterre alors qu'il est parallèlement inculpé pour des faits similaires à Paris.

Un nouveau rendez-vous manqué?

«ll y a un risque que l'affaire ne soit encore pas jugée au fond cette fois-ci», a admis Me Juliette Nattier, avocate d'une trentaine de victimes présumées.

La défense de Servier va en effet engager une nouvelle bataille procédurale, susceptible d'entraîner un nouveau renvoi du procès.

Incertaine jusqu'à mardi, la présence de M. Servier à l'ouverture de son procès a été confirmée peu avant l'audience par une porte-parole du groupe. «Il est très soucieux de pouvoir s'expliquer sur le fond de l'affaire», a-t-elle souligné. Le fondateur des laboratoires, dont l'état de santé reste fragile, avait répondu la semaine dernière à une chaîne de télévision qui l'interrogeait près de son domicile : «On s'en fout du procès», avant de s'excuser pour cette déclaration.

Jacques Servier, ainsi que les quatre anciens cadres de Servier et sa filiale Biopharma jugés à ses côtés à Nanterre, encourent quatre ans de prison et une amende de 75 000 euros (environ 99 000 $). Servier et Biopharma, en tant que personnes morales, une amende de 375 000 euros (près de 496 000 $) ainsi qu'une interdiction d'exercer.

Très discret, Jacques Servier, préside toujours les destinées du groupe pharmaceutique qu'il a bâti, même s'il est décrit comme «fatigué» par son entourage.

Avant d'être inculpé pour tromperie et escroquerie et pour homicides et blessures involontaires à l'ouverture des débats, il fut pendant longtemps le symbole d'une réussite exceptionnelle.

Fils d'industriel, il rachète en 1954 pour «trois fois rien» un petit laboratoire à Orléans (centre), qui fabrique un sirop contre la toux. Dès 1955, il lance ses deux premières molécules et n'a dès lors de cesse de faire grossir son entreprise.

Avec un chiffre d'affaires de 3,9 milliards d'euros (5,2 milliards de dollars) en 2012, la société est actuellement le deuxième laboratoire pharmaceutique français en nombre de ventes, derrière le mastodonte Sanofi et emploie plus de 20 000 salariés.