La chancelière allemande Angela Merkel, en campagne pour un troisième mandat après les législatives de septembre, peaufine son image en se livrant depuis plusieurs semaines à quelques confessions contrôlées sur sa vie privée.

Elle aime les «beaux yeux» chez un homme, évoque son grand-père polonais, ne craint pas les nuits blanches, et non, elle n'a jamais été en charge de la propagande dans l'organisation est-allemande de la jeunesse dont elle était membre, comme l'affirment des journalistes.

Telles sont, en vrac, quelques-unes des confessions livrées au public par celle qui est considérée comme la femme la plus puissante d'Europe, si ce n'est du monde.

Au fil des crises qui ont secoué l'euro ces derniers mois, Mme Merkel s'est vue violemment reprocher son penchant pour l'austérité, se voyant par exemple affublée d'une moustache hitlérienne dans certaines manifestations en Grèce ou ailleurs, quand son pays l'applaudissait pour sa prudente gestion des événements.

Rigide marâtre pour ses détracteurs, leader pragmatique et subtil pour ses supporteurs: au-delà des clichés, cette femme de 58 ans reste difficile à saisir. Mais les choses ont commencé à changer, la chancelière entrouvrant un peu la porte sur sa vie privée, dans une démarche qui peut, selon des analystes, aider à l'humaniser mais également lui jouer des tours, avant le 22 septembre.

Les électeurs en ont ainsi appris un peu plus sur ses racines polonaises ou l'ont découvert, discutant librement au cours d'un forum organisé par «Brigitte», un très populaire magazine féminin.

À cette occasion, la «chancelière de fer» a séduit l'auditoire lorsqu'elle s'est comparée à un chameau qui stocke ses ressources pour pouvoir affronter les longues nuits des sommets européens.

Évoquant sa méthode, souvent dépeinte comme une politique des petits pas plutôt que des grandes visions, elle a disserté sur l'importance du «silence, qui permet ensuite de parler intelligemment».

Quant à son éternelle pose sur les photos, mains sur le ventre, les pointes des doigts se rejoignant pour former une sorte de losange, c'est pour résoudre le problème de «quoi faire de ses bras», a-t-elle dit.

Docteur en physique, «Frau Merkel» n'a pas non plus esquivé lorsqu'une spectatrice lui a demandé ce qui la séduisait chez un homme. Les «beaux yeux», donc.

«Merkel est habituellement vue comme quelqu'un de posé et elle a toujours réussi à maintenir sa vie privée en dehors de la politique», selon le politologue Lothar Probst de l'Université de Brême (nord-ouest). «Désormais, on voit que Merkel entreprend par petites touches de changer de rôle, elle s'ouvre et révèle un peu plus son côté humain».

Pour Volker Kronenberg, chercheur en sciences politiques de l'Université de Bonn, cette offensive de charme est «hautement chorégraphiée... rien n'est authentique».

«Vous pouvez être sûr que dans son cercle le plus proche, chaque anecdote est discutée cinq fois avant d'être prudemment livrée au public, de manière très contrôlée», estime-t-il.

Dimanche dernier, la chancelière a présenté à Berlin son film préféré, La légende de Paul et Paula (1973), une romance tragique et un film-culte en ex-RDA, pays où cette fille de pasteur a grandi.

Devant l'auditoire, elle a dû répondre à des questions imprévues, suscitées par une des biographies récemment publiées sur elle, «La première vie d'Angela M.», qui l'accuse d'avoir été en charge de la propagande et de «l'agit-prop» dans l'organisation de jeunesse dont elle faisait partie comme beaucoup d'autres à l'époque.

«Là-dessus, je ne peux que me fier à ma mémoire (...) Mais si quelque chose devait encore sortir, je peux vivre avec», a-t-elle déclaré, niant au passage avoir eu quoi que ce soit à voir avec des activités de propagande.

Les analystes sont partagés sur la nouvelle stratégie médiatique de la chancelière. Selon Gero Neugebauer, de l'Université libre de Berlin, l'équipe de campagne de Merkel cherche certes à adoucir son image «fermée», face au candidat social-démocrate, Peer Steinbrück qui a fait du «parler vrai» sa marque de fabrique, quitte à commettre des gaffes.

«Stratégiquement, je ne suis pas sûr que ce soit judicieux», dit-il. Les électeurs allemands choisissent, selon lui, leurs dirigeants en fonction de leur appartenance politique et de leur capacité à conduire les affaires du pays.

«Ils se demandent: est-elle crédible, sûre d'elle-même, digne de confiance ? Ils ne se soucient guère de savoir ce qu'elle mange, ce qu'elle cuisine ou la façon dont elle s'habille», affirme M. Neugebauer.