Chômage record, patronat en furie, crise sociale persistante: un an jour pour jour après le début de son mandat, le président français François Hollande bat des records d'impopularité. Retour sur des débuts chaotiques.

L'odeur des shish-taouks est omniprésente. La foule, compacte. Comme chaque année, des milliers de Parisiens se sont donné rendez-vous à la Bastille pour la traditionnelle manifestation du 1er Mai. Les syndicats, sans-papiers et autres militants en tous genres ont encore une fois rivalisé d'imagination pour attirer l'attention sur leurs causes respectives.

Si les banderoles sont bien dressées et les cris de ralliement, bien puissants, le moral des manifestants est tout à l'opposé sous le timide soleil printanier. L'humeur est massacrante, en fait, comme celle d'une majorité de Français.

«Il y a de la colère partout, il y a des tas de luttes et ça ne mène à rien, lance Mamadou Martin, porte-parole d'une association de chômeurs, la moustache jaunie par la cigarette. On est tous contents d'avoir viré Sarko, mais le gouvernement actuel n'est pas à la hauteur!» Partout dans la foule réunie à la Bastille, le constat est partagé. Le président François Hollande déçoit à presque tous les égards, un an après son arrivée au pouvoir.

«Le bilan est très mitigé, parce que la priorité du gouvernement Hollande était supposément la jeunesse, mais à part quelques mesures cosmétiques, rien n'a été fait», dénonce Cassandre Bliot, étudiante en mathématiques de 21 ans.

«Cette manif est un grand signal d'alarme: un an après l'élection, il y a beaucoup de déception», lance pour sa part Jeff Lair, du syndicat CGT Haut-de-Seine, qui représente 1500 travailleurs dans sa région.

Record d'impopularité

François Hollande a pris la tête de l'État français le 6 mai 2012, avec un panier d'épicerie rempli de promesses. Mariage et adoption pour les couples gais, retrait des troupes françaises de l'Afghanistan, réduction de la rémunération des ministres: le président a somme toute tenu une bonne partie de ses engagements.

Or, Hollande ne passe pas auprès des Français. Même lorsqu'il a fait de bons coups - comme l'intervention militaire au Mali -, sa cote de popularité a stagné ou continué à descendre. Elle a glissé de 61% à 31% depuis un an, selon un sondage CSA-Les Échos publié vendredi dernier. Du jamais vu. En comparaison, la cote de popularité de son prédécesseur Nicolas Sarkozy atteignait 38% après un an. Et celle de Jacques Chirac, en 1996, était à 44%.

Cette désaffection massive du peuple envers François Hollande ne surprend pas le professeur Laurent Maruani, coordinateur du département de marketing à HEC Paris. «Les Français sont très affectifs. On l'a vu avec Ségolène Royal: ils font monter les gens très vite, et ensuite retomber très bas, très rapidement.»

Le problème de Hollande, selon plusieurs analystes, repose beaucoup dans sa manière de passer ses messages. Une manière ambiguë, floue, qui dit à la fois une chose et son contraire. «Le bilan de cette première année est très dur à tirer, tranche Laurent Maruani. Chose certaine, le bilan est très médiocre au point de vue de la communication.»

Économie en déroute

À quelques jours du premier anniversaire de son élection, François Hollande a tenté de refaire les ponts avec le milieu des affaires la semaine dernière, lors d'une rencontre à l'Élysée qui a réuni plus de 300 chefs d'entreprises pour annoncer des mesures de stimulation de l'économie, et revoir quelques-uns de ses engagements les plus controversés.

Il reste que le pays est aux prises avec une situation économique proche de la catastrophe. La croissance du PIB s'annonce nulle encore cette année, et elle sera sous la barre des 1% l'an prochain. Le déficit demeure quant à lui au-delà de la cible européenne maximale de 3%, ce qui a forcé la France à demander un sursis d'un an pour atteindre cet objectif.

«Le climat est morose, les chefs d'entreprises sont inquiets, le chômage des jeunes est à 27%, déplore Marc Touati, économiste et président du cabinet-conseil ABCDEFI. Le gouvernement compte sur une croissance qui va revenir, mais elle ne va pas tomber du ciel, cette croissance.»

L'économiste analyse avec ironie le bilan de la première année de Hollande à l'Élysée. «Son slogan de campagne, c'était: «le changement, c'est maintenant». Mais c'est plutôt: «la crise, c'est maintenant»...»

LE BILAN HOLLANDE EN CHIFFRES

24 % à 31 %

Cote de popularité actuelle de François Hollande, selon différents sondages

3,22 millions

Nombre de demandeurs d'emploi en mars - davantage que le record établi en 1997

23

Nombre de mois consécutifs au cours desquels la situation de l'emploi s'est dégradée

0,1 %

Croissance du PIB prévue en France en 2013