Le nouveau chef du gouvernement italien Enrico Letta présente lundi après-midi son programme, un discours très attendu des partenaires européens de l'Italie et des marchés, préoccupés de voir la troisième économie européenne s'enfoncer dans la récession.

L'intervention de M. Letta devant la Chambre des députés est prévue à 13H00 GMT (9h00, heure de Montréal), et il devrait donner des indications notamment sur la politique économique de son gouvernement, alliance inédite entre droite et gauche, avant de poser la question de confiance vers 18H00 GMT.

Signe de confiance des marchés, la Bourse a ouvert en nette hausse (+1,68%) et les taux ont fortement baissé lors de la première émission obligataire de l'ère Letta, tombant à leur plus bas depuis 2010.

L'arrivée de M. Letta «symbolise à la fois un changement générationnel et une approche moins partisane de la politique», s'est félicité lundi Erik F. Nielsen, chef économiste de la banque Unicredit.

Les «palais de la République» ont été placés sous bonne garde après les coups de feu tirés la veille sur des carabiniers devant le palais Chigi, siège du gouvernement, par un maçon au chômage dépressif qui avait perdu ses économies au jeu et voulait s'en prendre aux hommes politiques «qui volent et mangent la laine sur notre dos».

La presse revient lundi sur l'événement en évoquant «les fantômes» des Années de plomb (1970/80) qui «nous poursuivent encore». Le quotidien Corriere della Sera rappelle entre autres la violence des Brigades rouges (extrême gauche), expression d'une profonde frustration sociale contre la classe politique.

L'affaire a aussi provoqué un début de polémique entre ceux --à droite-- qui accusent le mouvement «Cinque stelle» de l'ancien comique Beppe Grillo d'attiser la haine contre les hommes politiques et ceux -à gauche-- qui accusent les premiers d'instrumentaliser cet acte isolé pour décrédibiliser le combat de «Cinque Stelle».

D'autres ont souligné les liens avec la grave crise économique traversée par le pays en notant que Luigi Preiti avait perdu son travail et était tombé dans le vice du jeu, un fléau qui frappe particulièrement la classe moyenne appauvrie italienne.

M. Letta qui, à 46 ans, est l'un des plus jeunes dirigeants européens, a promis de s'attaquer en particulier au chômage qui touche près de 12% de la population active et plus d'un tiers des jeunes.

«Le gouvernement Letta sera jugé sur sa capacité à répondre à l'urgence sur le marché du travail et à freiner l'hémorragie qui frappe le secteur manufacturier italien», avec la fermeture de milliers de PME, a averti Fabrizio Forquet, éditorialiste du Sole 24 Ore.

L'indice mesurant la confiance des entreprises du secteur manufacturier, de la construction, des services et du commerce a reculé en avril en Italie (à 74,6 points contre 78,5 en mars.

«Alors que le climat sur les marchés après la crise créée par les élections (législatives de février) n'a jamais été meilleur à l'égard de l'Italie, la situation économique n'a jamais été pire», a estimé Nicholas Spiro de Spiro Strategy, une société de consultants spécialisée dans l'évaluation de la dette.

Le nouveau Premier ministre a aussi dit vouloir un changement de cap dans les politiques européennes, en jugeant que «l'austérité ne suffit plus».

Mais la marge de manoeuvre de son équipe est assez limitée compte tenu de l'énormité de la dette italienne: plus de 2000 milliards d'euros.

Le nouveau ministre de l'Économie et jusque-là directeur de la Banque d'Italie Fabrizio Saccomanni a annoncé dimanche vouloir «recomposer les dépenses» publiques pour stimuler la croissance et instaurer un «pacte» entre les banques, les consommateurs et les entreprises.

Ce banquier central, décrit comme sensible à la précarité et au chômage des jeunes, a dit vouloir soutenir «les entreprises et les couches les plus faibles» de la population au moment où les Italiens ploient sous l'effet des plans d'austérité adoptés par les gouvernements Berlusconi et Monti.

Mais M. Saccomanni n'a pas expliqué comment il fera pour relancer une économie qui a accumulé six trimestres consécutifs de récession et où le PIB est prévu en baisse de 1,5 à 1,6% en 2013.

A contrario sur son aile droite, le gouvernement Letta fait l'objet de fortes pressions venant du camp de Silvio Berlusconi pour alléger la pression fiscale, en abolissant la taxe sur la résidence principale, rétablie par le gouvernement Monti, au risque de priver le budget de l'État de 4 à 8 milliards d'entrées fiscales qu'il faudrait trouver ailleurs. Une tâche difficile alors que les budgets de secteurs comme l'Industrie, les Infrastructures, la Culture, l'Éducation ont été fortement réduits ces dernières années.