Blague potache pour la gauche, scandale d'État pour la droite: la découverte d'un «mur des cons», affichant les portraits de dizaines de personnalités, surtout de droite, dans les locaux du deuxième syndicat des magistrats français suscite un tollé en France.

Sur ce trombinoscope fait maison se superposent des hommes politiques comme l'ancien président Nicolas Sarkozy, plusieurs de ses ex-ministres, mais aussi des intellectuels et journalistes, certains affublés d'une légende insultante.

La diffusion mardi d'une vidéo de ce grand pêle-mêle sur le site d'information Atlantico, proche de l'opposition de droite, a déclenché une vague de protestations, le premier parti d'opposition, l'UMP, réclamant l'ouverture d'une enquête.

«C'est indigne, c'est un scandale absolu», s'est ému le président de l'UMP, Jean-François Copé, tandis que l'ex-ministre de l'Éducation Luc Chatel, lui-même épinglé, dénonçait une «véritable liste noire» et «une remise en cause de l'impartialité de la justice».

Interpellée par la droite au Parlement, la ministre de la Justice Christine Taubira a regretté une «action malheureuse» du Syndicat de la magistrature (SM), classé à gauche, ajoutant que les épinglés étaient «parfaitement fondés à déposer plainte».

«Ce sont des images prises à notre insu dans un lieu privé, notre local syndical, qui n'est pas accessible au public», s'est défendue la présidente du SM, Françoise Martres, interrogée par l'AFP, en qualifiant ce mur de «défouloir» et d'action de «potache».

«Ce mur a été fait à une ancienne époque, sous l'ère Sarkozy, où les magistrats étaient attaqués de toutes parts», a-t-elle ajouté.

Dans le monde judiciaire, Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (majoritaire), a dit sur Twitter sa «surprise attristée d'être sur le mur des cons», tout en rappelant qu'«on est toujours le con de quelqu'un».

Une association de victimes a quant à elle condamné «l'indécence morale de la présence» sur ce mur du père d'une jeune fille violée et tuée par un tueur en série.

Le SM s'était déjà attiré des critiques à droite pendant la campagne présidentielle de 2012 pour avoir appelé à voter contre Nicolas Sarkozy, qui entretenait des relations tendues avec les magistrats. En 2007, il avait comparé les juges à des «petits pois» sans saveur et début 2010, les avait mis en cause après le meurtre d'une jeune fille.

Plusieurs fois, la justice est descendue dans la rue sous sa présidence, notamment pour protester contre son projet de suppression des juges d'instruction, perçu comme une tentative d'étouffer les affaires sensibles.