Dans la foulée de l'affaire Jérôme Cahuzac qui a provoqué un séisme politique en France, le gouvernement a présenté mercredi ses mesures de moralisation de la vie publique, opération «mains propres» à la française, que François Hollande a qualifié de «tournant pour nos institutions».  

Le Conseil des ministres a examiné trois projets de loi, dont l'un muscle de façon spectaculaire l'arsenal de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière. Coïncidence temporelle, quelques heures plus tard, l'Assemblée nationale (Parlement) créait, sur une demande de l'opposition acceptée par le gouvernement, une commission d'enquête sur l'action du gouvernement et des services de l'État pendant l'affaire Cahuzac, afin d'établir «d'éventuels dysfonctionnements». Le choc provoqué par la confirmation de la détention d'un compte caché à l'étranger par l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, avait fait trembler un exécutif déjà mis en difficulté par la situation économique et sociale, le président François Hollande avait promis le 10 avril une «lutte implacable contre les dérives de l'argent, la cupidité et la finance occulte». La publication du patrimoine de tous les ministres a donné le 15 avril le départ de cette opération «mains propres» qui ne dit pas son nom, fustigée par l'opposition qui y voit le début d'une «République du soupçon» et une «diversion» pour cacher les responsabilités de l'exécutif dans le scandale Cahuzac. La presse a fait ses choux gras des détails ainsi révélés (huit ministres «millionnaires» en euros, d'autres beaucoup moins argentés) et presque aussitôt tombés dans l'oubli, le débat se cristallisant sur l'obligation, notamment pour les parlementaires et grands élus locaux, de rendre public leurs biens. La réforme présentée en Conseil des ministres crée une obligation de déclaration du patrimoine qui devrait s'appliquer à 12 000 personnes : membres du gouvernement, parlementaires nationaux et européens, principaux responsables d'exécutifs locaux, membres des cabinets ministériels, dirigeants d'entreprises publiques... Les ministres sont déjà passés à l'acte en rendant publics tous leurs biens le 15 avril. Le non-respect de cette obligation pourra entraîner une peine de prison allant jusqu'à trois ou cinq ans de prison, selon les cas. L'annonce de cette mesure, largement approuvée par l'opinion selon plusieurs sondages, avait déclenché un tollé chez les élus, y compris chez les socialistes. «Apparatchiks et fonctionnaires» La droite y a vu une manoeuvre de «diversion» pour cacher les responsabilités de l'exécutif dans le scandale Cahuzac, le président socialiste de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone a critiqué une opération relevant, selon lui, du «voyeurisme» et de «la démocratie paparazzi». «D'autres pays l'ont fait avant nous et ne s'en portent pas plus mal», lui a répondu le premier ministre Jean-Marc Ayrault. Le gouvernement semble cependant prêt à un compromis au cours du débat parlementaire qui s'annonce houleux. «Les modalités» de la publicité ne seront «pas forcément identiques» à celles mises en oeuvre pour les ministres, a admis le ministre des Relations avec le Parlement Alain Vidalies. L'interdiction du cumul d'un mandat parlementaire avec «certaines activités professionnelles pour prévenir tout conflit d'intérêts» a également enflammé les débats, les socialistes montrant du doigt le président de l'UMP Jean-François Copé, qui est aussi avocat d'affaires. Celui-ci a annoncé lundi qu'il cessait d'exercer son métier, non pour des raisons déontologiques, mais pour «se consacrer exclusivement» à son activité politique. Le président du groupe UMP à l'Assemblée Christian Jacob craint qu'une telle mesure ne décourage les candidatures de salariés du privé et les professions libérales. «On va faire une assemblée d'apparatchiks et de fonctionnaires», répète-t-il. Dans le même esprit, sera désormais interdit le «pantouflage», c'est-à-dire la pratique consistant pour un responsable public à se faire embaucher par une entreprise avec laquelle il a été en relation dans l'exercice de sa charge publique. Deuxième volet des mesures, la lutte contre la fraude. François Hollande a annoncé la mise sur pied d'un parquet financier à compétence nationale, qui aurait pour bras armé «une police fiscale» avec «des pouvoirs d'enquête étendus». Reste à savoir si le gouvernement est prêt à remettre sur sa liste un pays comme la Suisse, qui ne répond qu'à un tiers environ des demandes d'informations que lui adresse le fisc français et dans des conditions très restrictives.