Le Parlement français a ouvert mardi le mariage civil et l'adoption aux couples homosexuels par un vote solennel des députés qui clôt des semaines de débats passionnés, faisant de la France le 14e pays au monde à reconnaître le mariage gai.

«Après 136 heures et 46 minutes de débat, le Parlement a adopté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe», par 331 voix contre 225 et 10 abstentions, a annoncé le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, sous les acclamations des élus de gauche qui scandaient «égalité, égalité».

Le président François Hollande doit encore promulguer le texte qui permettra aux premières unions de se conclure dès cet été. Mais l'opposition ne désarme pas : les sénateurs et députés de l'opposition de droite ont saisi le Conseil constitutionnel pour contester la conformité du texte de loi avec la Constitution française et le droit international.

Le Conseil constitutionnel a un délai d'un mois pour rendre sa décision. Si le gouvernement demande l'urgence, ce délai peut être ramené à une semaine.

«C'est l'honneur de notre pays de sortir de l'ombre des milliers de couples et de familles homoparentales, des milliers d'enfants et de parents en leur offrant la protection de la loi», a déclaré la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine.

Environ 200 000 Français déclarent être en couple avec une personne de même sexe (soit 0,6 % des couples) et dans un cas sur dix vivre avec un enfant, selon une récente enquête.

La tension qui a présidé aux débats parlementaires était encore présente mardi : deux manifestants ont tenté de déployer une banderole au sein de l'hémicycle dans les tribunes du public avant d'être évacués, tandis que d'autres opposants manifestaient dans la rue aux abords de l'Assemblée nationale.

Tugdual Derville, un des porte-parole du collectif d'opposants «La Manif pour tous», a annoncé que l'opposition à la loi allait continuer, car «il n'est pas légitime qu'un Parlement s'autorise à modifier le repère le plus précieux que constitue l'altérité père/mère dans l'engendrement, à la source de toute vie humaine». Une manifestation est prévue le 26 mai.

Premiers mariages dès juin?

Mais «tout cela va retomber», a assuré la ministre de la Justice Christiane Taubira, en rappelant le précédent du PACS, un contrat civil ouvert aux homosexuels adopté en 1999 malgré les virulentes contestations et qu'aujourd'hui plus personne ne conteste. Mme Taubira a dit sa «fierté» d'avoir porté ce texte «de liberté, d'égalité et de fraternité».

Elle s'est aussi adressée aux jeunes homosexuels «désemparés» par la montée du climat d'homophobie qui a accompagné le débat dans le pays.

«Si vous êtes pris de désespérance, balayez tout ça, restez vous-mêmes, gardez la tête haute, vous n'avez rien à vous reprocher», a-t-elle dit.

Les associations homosexuelles ont salué «une libération après des années de mobilisation pour l'égalité».

Selon les juristes, le mariage ne posera aucun problème constitutionnel. En revanche, certains pensent que le Conseil pourrait remettre en cause la possibilité d'adoption plénière, qui rompt tout lien de filiation entre l'enfant et ses parents biologiques, au motif qu'elle irait à l'encontre d'un principe du droit français de la filiation, celui de l'altérité sexuelle.

Une fois la décision du Conseil tombée, François Hollande promulguera la loi. Dans la foulée, l'un des premiers mariages pourrait être célébré dès juin à Montpellier (sud) et unir Vincent Autin, 40 ans, président d'une association locale Lesbian and Gay Pride, et Bruno, la trentaine, qui préfère ne pas donner son nom.

«On va faire de ce mariage un moment pour tous. Il sera public, ouvert à tous les militants, aux responsables d'associations français et internationaux, à la presse», a affirmé Vincent Autin.

Signe de la normalisation d'ores et déjà en marche pour cette réforme, un premier salon du mariage gai ouvre samedi à Paris.