Le président Giorgio Napolitano, nouvellement réélu, a exhorté lundi les forces politiques à s'atteler «sans tarder» à la formation d'un gouvernement, en dressant un réquisitoire sans concession contre leurs carences «impardonnables» et leur «surdité».

Dans un discours d'investiture musclé, le chef de l'État, âgé de 87 ans et réélu pour sept ans, a promis son «impartialité» dans la tâche difficile de rebâtir la confiance dans une classe politique en miettes, incapable de s'entendre pour sortir la troisième économie de la zone euro de la crise. En cas d'échec, il a fait allusion à une démission possible.

56 jours après les élections, l'Italie n'a toujours pas de gouvernement et «aucun parti ou coalition n'a eu suffisamment de votes pour le faire avec ses propres forces», a-t-il remarqué, en appelant les députés à «ne pas craindre de converger» et à ne plus agir comme  «représentants d'une faction».

Le vieux responsable ex-communiste, devenu l'homme le plus respecté d'Italie, a multiplié les critiques contre les partis tous confondus, «responsables de tant de coups pour rien».

Il les a appelés à s'inspirer des rapports des dix «sages» qu'il avait fait plancher sur les réformes indispensables pour l'Italie.

«La nécessité d'une entente entre forces diverses» s'impose, a recommandé M. Napolitano, la voix brisée à trois reprises par l'émotion, en rappelant qu'il a été député depuis l'âge de 28 ans. Il a évoqué son «sentiment d'identification avec le destin du pays».

Samedi, les élus des partis à la débandade avaient mis toute leur confiance dans M. Napolitano, après leur échec cuisant à lui trouver un remplaçant après cinq tours de scrutin.

Bien qu'il ait parlé de loi électorale toujours bloquée, de «régression», d'«omissions», de «pannes», d'attitude «factieuse et agressive», M. Napolitano a été à plusieurs reprises interrompu par les applaudissements des grands électeurs.

M. Napolitano a en revanche rendu un hommage discret au gouvernement technique de Mario Monti, aujourd'hui très critiqué pour la cure d'austérité imposée au pays, et pour lequel, a-t-il dit, l'Histoire devrait retenir «un jugement plus juste».

Profondément divisé et discrédité par ses valses-hésitations de la semaine dernière, le Parti Démocrate (PD, gauche), arrivé en tête aux élections de février, devrait proposer le nom d'un chef de gouvernement potentiel au président.

Le nom le plus cité est celui de l'ancien président du Conseil, Giuliano Amato, démocrate de centre-gauche très modéré, surnommé «docteur subtil». Homme respecté dans le pays, malgré une image un peu terne, il figure parmi les favoris.

M. Amato, 74 ans, avait déjà dirigé l'Italie à une autre époque délicate, celle de l'enquête «Mains propres» en 1992/93, qui avait balayé l'ancienne classe politique accusée de corruption. Puis il avait de nouveau dirigé l'Italie en 2000/2001.

Un autre nom cité est celui d'un des vice-secrétaires du PD, Enrico Letta.

Le Peuple de la liberté (PDL), le centre droit de Silvio Berlusconi, et «Cinque Stelle», le mouvement antiparti de l'ancien comédien Beppe Grillo, dont les scores ont talonné ceux du PD, ne rendent pas la tâche de formation d'un gouvernement facile.

Pour le premier, tout candidat trop marqué à gauche et hostile aux intérêts du Cavaliere serait à abattre, pour le second, aucun candidat représentatif de la vieille classe politique n'est recevable.

La bourse de Milan a réagi positivement à la réélection de Giorgio Napolitano, ouvrant et clôturant la journée en hausse - 1,53 % à 1,65 % -, tandis que le «spread», qui marque la différence entre les taux d'emprunt italiens et allemands, s'établissait à un niveau rassurant autour de 285 points.

Mais le malaise social persiste dans un pays enfoncé dans la récession: selon l'institut national de statistiques Istat, 955 000 familles italiennes sont sans revenus, avec tous leurs membres en âge d'exercer une profession à la recherche d'un emploi.

Et la désillusion politique reste forte, comme en témoigne la mobilisation des partisans de Beppe Grillo.

Ce dernier a qualifié dimanche à Rome la réélection du président Napolitano de «petit coup institutionnel rusé» des partis traditionnels, après avoir parlé la veille d'«un coup d'État».

M. Napolitano lui a répondu en critiquant des campagnes de «démolition» conduites parfois «avec beaucoup de légèreté», en invitant le mouvement Cinq Étoiles à éviter les comportements «aventureux», tout à en rendant hommage à ce «nouvel acteur politique pour son engagement».