Pressés par l'Union européenne de s'entendre, la Serbie et le Kosovo ont conclu vendredi un accord de principe en vue de normaliser leurs relations, ouvrant ainsi la voie à un rapprochement avec l'UE.

Qualifié d'«historique» par des responsables européens, cet accord a été paraphé par les premiers ministres serbe et kosovar, Ivica Dacic et Hashim Thaçi, après des mois de difficiles négociations conduites par Catherine Ashton, chef de la diplomatie de l'UE.

«C'est une étape qui nous éloigne du passé et un pas en avant vers l'Europe» pour la Serbie comme pour le Kosovo, a déclaré Mme Ashton à l'issue de la dixième réunion en sept mois.

Les dirigeants de l'UE espèrent que l'accord permettra de stabiliser la situation quatorze ans après la guerre et cinq ans après la proclamation par le Kosovo de son indépendance, jamais acceptée par Belgrade.

«Cet accord va nous permettre de panser les blessures du passé», a déclaré M. Thaçi, espérant que s'ouvre «une ère de réconciliation et de coopération» entre le Kosovo et la Serbie.

Pour sa part, M. Dacic a affirmé que les propositions de Belgrade avaient «été acceptées», en particulier sur les droits des habitants du nord du Kosovo, une région limitrophe de la Serbie et peuplée en majorité de Serbes.

«J'ai paraphé une proposition de texte sur laquelle les deux parties vont se prononcer dans les prochains jours pour dire si elles l'acceptent ou si elles la refusent», a ajouté, prudent, le chef du gouvernement serbe.

Cette réponse est attendue d'ici à lundi, date à laquelle la question sera à l'ordre du jour d'une réunion des ministres des Affaires européennes à Luxembourg.

L'UE avait clairement annoncé qu'un accord était nécessaire pour que la Serbie et le Kosovo puissent envisager de suivre l'exemple de la Slovénie, le seul pays issu de l'ex-Yougoslavie à faire actuellement partie du bloc européen. La Croatie doit la suivre en juin pour en devenir le 28e membre.

Belgrade espère obtenir une date pour faire démarrer les négociations en vue d'une adhésion. Pour le Kosovo, cette perspective est plus lointaine, notamment parce que cinq pays de l'UE ne reconnaissent pas son indépendance.

Au total, 96 des 193 pays membres de l'ONU ont à ce jour reconnu l'indépendance du Kosovo.

Demande de référendum

L'accord, dont les 15 points n'ont pas été rendus publics par l'UE, porte sur le degré d'autonomie accordé aux 40 000 Serbes du nord du Kosovo.

Selon une version non-officielle de l'accord publiée vendredi par le quotidien kosovar Express, les Serbes du Kosovo auraient le droit de nommer le chef de la police régionale, qui agirait néanmoins sous le commandement du ministre de l'Intérieur de Pristina.

La communauté serbe serait également responsable de la gestion des tribunaux dans les régions où elle est majoritaire, tout en «fonctionnant au sein des institutions légales du Kosovo», selon le quotidien.

M. Dacic a affirmé avoir obtenu satisfaction à Bruxelles sur le contrôle de la police et de la justice locales par les municipalités en majorité serbes.

Mais, aussitôt l'accord annoncé, les élus des conseils municipaux de cette région ont exigé à Kosovska Mitrovica l'organisation d'un référendum «en Serbie» portant sur «l'acceptation des conditions» de ce document.

L'un des dirigeants des Serbes du Kosovo, Marko Jaksic, n'a pas mâché ses mots, estimant que l'accord était «la pire capitulation et la pire trahison jamais arrivées en Serbie».

En le paraphant, les dirigeants serbes «ont commencé le processus de séparation entière du Kosovo de la Serbie, en violation de la Constitution de leur pays», a-t-il déclaré.

Ces propos font écho à ceux du ministre kosovar des Affaires étrangères, Enver Hoxhaj, qui a salué un accord permettant selon lui au Kosovo d'«étendre sa souveraineté sur tout son territoire» y compris dans le nord.

L'OTAN, présente dans le nord du Kosovo avec une force d'environ 5000 militaires, essentiellement des Allemands, est disposée à «continuer à garantir la sécurité» dans la région, a affirmé son secrétaire général Anders Fogh Rasmussen, qui a reçu vendredi MM. Thaci et Dacic.

L'accord conclu vendredi représente une victoire pour Mme Ashton, dont le bilan à la tête de la diplomatie européenne est fortement critiqué dans de nombreux pays.

Paris, parmi d'autres capitales, a salué la Britannique et son équipe «pour leur engagement continu qui a permis d'aboutir à cet accord».

Le secrétaire d'État américain John Kerry a félicité la Serbie et le Kosovo d'avoir «pris les décisions difficiles qui vont leur permettre de se rapprocher de leur objectif d'intégration européenne».

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a salué «un accord historique» et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) «le début d'un nouveau chapitre» dans les relations entre Belgrade et Pristina.