Salves d'applaudissements, huées, larmes... Dans la vie comme dans la mort, Margaret Thatcher n'aura laissé personne indifférent. Récit de ses funérailles mouvementées et touchantes.

Marc Nadeau n'aurait manqué pour rien au monde les funérailles de Margaret Thatcher. Le résidant d'Ottawa devait rentrer avant-hier d'Italie, mais il a fait un détour à Londres avec sa famille pour faire ses adieux à la politicienne.

«J'ai grandi pendant la guerre froide et mon trio favori était Thatcher, Reagan et le pape Jean-Paul II, a-t-il confié hier peu avant le départ du cortège funèbre. On n'a pas pu aller aux funérailles des deux autres, donc on tenait absolument à être ici ce matin.»

M. Nadeau et sa famille sont arrivés tôt pour s'assurer d'une place de choix le long des barrières métalliques érigées pour l'événement. La dépouille de l'ancienne première ministre, morte la semaine dernière à 87 ans, a quitté la chapelle de Westminster à 10h pour cheminer dans le coeur de Londres jusqu'à la cathédrale Saint-Paul, deux kilomètres plus loin.

La procession s'est tenue sous très haute surveillance, avec 4000 policiers répartis le long du trajet. En début de parcours, moins d'une heure avant le départ du cortège, on comptait au moins cinq agents pour chaque spectateur aux abords de Westminster. La sécurité déjà élevée a été accrue après les attaques du marathon de Boston, lundi.

Prises de bec

Les craintes des autorités - soit un acte terroriste ou des manifestations massives - ne se sont pas matérialisées. Plusieurs groupes et individus ont tout de même marqué leur indignation, ce qui a donné lieu à des prises de bec bien senties tout au long du trajet entre opposants et sympathisants de la «Dame de fer».

«Pourquoi devrait-on payer 10 millions [de livres sterling] pour ces funérailles en cette époque d'austérité, une austérité qu'elle a créée de toutes pièces?», a lancé à La Presse Sally Banks, pancarte à la main.

«Elle était une politicienne extraordinaire, je suis content de payer pour ses funérailles, taisez-vous!», lui a crié un vieil homme en complet, sortant du traditionnel flegme britannique.

Un peu plus loin sur le parcours, un noyau d'une centaine de manifestants a protesté bruyamment au passage du cercueil. Syndicats, socialistes et autres opposants ont voulu marquer leur désaccord avec le thatchérisme et, surtout, la facture salée de ces funérailles militaires.

Ces opposants ont été accueillis par des cris de protestation des sympathisants de Thatcher, majoritaires sur le parcours. En fin de compte, des milliers de personnes ont assisté à la procession dans un calme relatif. Aucune arrestation de masse n'a été faite, et la police a remercié les Londoniens pour leur civisme en après-midi.

Cérémonie sobre

Loin du brouhaha de la rue, les funérailles elles-mêmes ont été qualifiées de sobres et émouvantes par plusieurs participants. Quelque 2300 dignitaires du monde entier ont assisté à la cérémonie, dont la reine d'Angleterre, le premier ministre canadien Stephen Harper et tous les principaux dirigeants britanniques.

La célèbre horloge de Big Ben a été mise à l'arrêt pendant tout l'avant-midi, ce qui ne s'était pas vu depuis les funérailles de Winston Churchill, en 1965. Quelque 700 militaires ont aussi été mandatés pour la procession funèbre. La cérémonie avait tout des funérailles d'État, sauf le titre officiel, selon divers observateurs.

Le cercueil de Margaret Thatcher a été porté hors de la cathédrale par des soldats peu après 12h, sous les applaudissements - et quelques huées - des milliers de citoyens réunis devant l'église. La dépouille a ensuite été transportée vers le crématorium de Mortlake en après-midi, tandis que deux réceptions privées ont été organisées pour les participants aux funérailles.

Les rues du centre de Londres sont revenues peu à peu à la normale en milieu de journée, avec des équipes de nettoyeurs à pied d'oeuvre. Quelques manifestations anti-Thatcher ont eu lieu ailleurs au pays, dont une qui a réuni 2000 protestataires à Goldthorpe.

 

 

PHOTO CARL COURT, AFP

Un homme essuie ses larmes alors que le cortège funébre passe devant lui, hier, à Londres.