Les éditorialistes dans le monde mettaient généralement l'accent mardi sur le «double visage du thatchérisme», les uns insistant sur les échecs «avérés» et persistant aujourd'hui de l'ultralibéralisme symbolisé par la défunte Margaret Thatcher, les autres saluant la «Dame de fer» qui sauva l'économie de la Grande-Bretagne.

«La crise des années 2000 est aussi la crise du thatchérisme que ses suppôts portèrent aux extrêmes», clame le quotidien français de gauche Libération, décrivant une femme politique qui «porta le nationalisme aux limites du chauvinisme et de la xénophobie antieuropéenne.»

«C'est bien la Dame de fer qui, la première dans un des grands pays occidentaux, aura mis en oeuvre des politiques telles que les privatisations, la déréglementation sociale ou la libéralisation financière», rappelle le quotidien catholique français La Croix.

Seul le Figaro (droite) se livre en France à une véritable apologie du thatchérisme. «Elle laisse un héritage valable bien au-delà des îles Britanniques et des frontières idéologiques», écrit son éditorialiste, n'hésitant pas à affirmer que «la France et l'Europe d'aujourd'hui auraient bien besoin de dirigeants de sa trempe.»

En Allemagne, le Süddeutsche Zeitung (Munich) consacre une pleine page à la mort de Thatcher, la dame au «coeur de fer». «Elle a marqué la Grande-Bretagne comme personne d'autre. Tout le monde est unanime, ceux qui l'aimaient comme ceux qui la détestaient», peut-on y lire.

Le Tagesspiegel (Berlin) voit dans Thatcher «l'infirmière de la nation britannique qui a administré à ses concitoyens une potion aussi amère que nécessaire».

«On ne l'aimait pas, on l'admirait», rappelle le tabloïd allemand Bild. «Elle était une Queen en civil», résume le journal qui rappelle qu'elle vivait la réunification allemande scellée en 1990 comme une tragédie.

Pour la presse russe, Margaret Thatcher compte parmi les «fossoyeurs» de l'URSS, comme le titre le quotidien populaire Moskovski Komsomolets, rappelant que le surnom de «dame de fer» avait été lancé par la propagande soviétique de l'époque.

La presse belge analyse l'héritage laissé par Margaret Thatcher aussi bien sur le plan européen qu'en Grande-Bretagne.

Le Soir estime que «la Dame de fer a mis toute son énergie à façonner l'Europe, à la brider. Aujourd'hui, on doit le constater: Margaret Thatcher a largement réussi. Il faut saluer l'adversaire définitivement défait, même si c'est sur un autre champ de bataille».

La Libre Belgique consacre huit pages spéciales à «l'héritage des années Thatcher», revenant sur «les deux visages du thatchérisme», tout en soulignant que la «croissance retrouvée», le «prestige restauré a aussi une face plus sombre: le creusement des inégalités sociales et plus de 2,5 millions de chômeurs» en Grande-Bretagne.

«La fille de l'épicier qui a marqué une époque», titre en première page l'Italien Corriere della Sera, décrivant Mme Thatcher comme un «révolutionnaire conservateur».

Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne et ancien premier ministre italien de centre-gauche, estime, dans le quotidien Il Sole 24 Ore, que les idées de Thatcher ont contribué à ouvrir la voie à la crise financière mondiale. «Thatcher a réduit l'État à rien».

Il Messaggero constate que ses fans en Italie étaient «une minorité», ajoutant que le «thatchérisme» est «incompatible avec notre caractère national».

À Hong Kong, les commentaires reflètent l'amertume persistante sur les négociations de Mme Thatcher avec Pékin sur l'avenir de la colonie britannique avant sa rétrocession à la Chine en 1997.

Le South China Morning parle d'elle comme «un géant du 20e siècle», mais note aussi son incapacité à négocier avec Deng Xiaoping la rétrocession de Hong Kong.

Le journal en langue chinoise Apple Daily Nouvelles, connu pour son opposition à Pékin, assure qu'elle a défendu «exclusivement les intérêts britanniques» dans ces négociations, mais reconnaît son leadership dominant.

Les médias d'État chinois, eux, saluent Thatcher comme un «exceptionnel» chef de file qui a accepté «avec sagesse des compromis» sur l'avenir de Hong Kong.