Le Royaume-Uni se préparait mardi à rendre un dernier hommage non dénué d'ambivalence à Margaret Thatcher, dont le décès a immédiatement rallumé la controverse sur son héritage et sur la nature des obsèques réservées la semaine prochaine à ce monstre sacré de la politique.

La dépouille de la «Dame de fer» a quitté discrètement dans la nuit l'hôtel Ritz à Londres où l'ex-première ministre britannique, très diminuée par la maladie d'Alzheimer, séjournait depuis plusieurs mois. Elle y est morte lundi à 87 ans des suites d'un accident vasculaire cérébral.

Ses funérailles, qui ont reçu pour nom de code «Operation True Blue», la couleur du conservatisme pur et dur qu'incarnait la Dame de fer, auront lieu mercredi prochain, mais la polémique bat déjà son plein sur la cérémonie à la mémoire de la baronne Thatcher, son titre officiel.

Trop ou trop peu ? Le gouvernement a décidé qu'un office se tiendrait à la cathédrale St-Paul à Londres, précédé par une procession entre Westminster et l'édifice religieux, et les honneurs militaires lui seront rendus. Des obsèques à l'image de celles organisées pour la princesse Diana ou pour la reine-mère Elizabeth.

Le premier ministre conservateur, David Cameron, assistera à la cérémonie, aux côtés de nombreuses personnalités politiques. Des informations non confirmées sur la venue de Mikhaïl Gorbatchev, le dernier président de l'URSS, et sur celle de Nancy, la veuve de l'ex-président Ronald Reagan, circulaient également. La reine Elizabeth II, qui entretenait, dit-on, des relations houleuses avec la locataire de Downing Street, sera aussi présente, avec son époux le duc d'Édimbourg.

Mais Margaret Thatcher n'aura pas de funérailles nationales, celles que la Grande-Bretagne réserve à ses monarques et à quelques grandes figures de la vie publique, souvent d'anciens Premiers ministres.

Des députés conservateurs et l'éditorialiste du Daily Mail ont pris fait et cause pour des obsèques nationales.

Sur la toile, des pétitions ont fleuri dans le même temps pour réclamer la «privatisation» de l'enterrement.

«Comment allons-nous lui rendre hommage? Nous allons privatiser ses funérailles, faire un appel d'offres et opter pour le moins cher: c'est ce qu'elle aurait voulu», a ironisé le cinéaste engagé Ken Loach.

Le Daily Mirror s'interrogeait également sur le bienfondé d'accorder à la «femme qui a divisé la nation» les mêmes funérailles qu'à Diana, estimant à 8 millions de livres le coût de la cérémonie, payée en partie par l'État et en partie par la famille.

D'après son porte-parole Tim Bell, la «Dame de fer» ne souhaitait pas de toute façon de funérailles nationales. Elle ne voulait pas que son corps soit exposé publiquement, ni de «parade aérienne», car cette libérale pure et dure pourfendant un État impécunieux «pensait que c'était de l'argent gaspillé».

Le Parlement a, lui, décidé d'interrompre ses vacances de printemps pour saluer sa mémoire.

Députés et membres de la Chambre des Lords se réuniront à partir de 14h30 (heure locale) mercredi. Ils devraient se prononcer sur une motion d'hommage présentée par le gouvernement, sans garantie de consensus.

Pendant qu'une partie du pays pleurait «un grand leader», plusieurs centaines de personnes ont célébré lundi soir dans les rues de Londres, Glasgow, Bristol ou Belfast la disparition de la «Dame de fer», honnie pour avoir sacrifié l'industrie britannique en fermant les mines, diminué l'influence des syndicats ou fait preuve d'intransigeance vis-à-vis des prisonniers de l'IRA.

La chanson Ding Dong! The witch is dead (Ding Dong! La sorcière est morte) chantée par Judy Garland dans Le Magicien d'Oz est, elle, arrivée mardi en tête des chansons les plus téléchargées sur amazon.co.uk.

Reflet de cette ambivalence de l'opinion, un sondage publié par le Guardian montrait que 50% des Britanniques interrogés après son décès considéraient comme positif son apport au pays.

Près des deux tiers pensaient aussi qu'elle a contribué à faire évoluer les mentalités sur le rôle des femmes dans la société.

Devant la maison de «Maggie» dans le centre de Londres, quelques immigrés des pays de l'Est venaient, eux, déposer des bouquets de fleurs en mémoire de celle qui a combattu le communisme.

La presse internationale était aussi plus que partagée sur le vrai visage du thatchérisme, insistant sur les échecs «avérés» de l'ultralibéralisme ou saluant la dirigeante inflexible qui «sauva» l'économie britannique.

Photo AFP

La dépouille de l'ex-première ministre quitte le Ritz.