Plus de 100 000 visiteurs se sont pressés samedi et dimanche à la 30e rencontre annuelle des musulmans de France, au Bourget près de Paris, marquée par un climat d'inquiétude née de nouvelles polémiques sur le voile.

Conférences sur l'islam ou la famille, vente de livres sur le couple ou le Coran, de robes, parfums, thés, tapis de prière: le rassemblement organisé par l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans, est la plus importante rencontre de musulmans en France.

«Il y a dix ans que j'ai découvert ces rencontres», raconte Hajer, 29 ans, qui tient à conserver l'anonymat. La jeune femme, visage encadré d'un voile marron, explique qu'elle y apprécie surtout les conférences, «ça m'a aidée à comprendre l'islam».

Pour elle, les réunions organisées à l'attention des jeunes sont «un moyen de faire évoluer les mentalités des 10-18 ans, car il y a de plus en plus de jeunes qui se sentent persécutés».

La réunion intervient au moment où le port du voile musulman fait de nouveau débat en France. Le 19 mars, la Cour de cassation avait annulé le licenciement d'une salariée qui portait le voile.

Cette décision, que le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a «regrettée», a donné lieu à une controverse, certains estimant que l'interdiction du foulard dans les entreprises publiques devait être étendue aux entreprises privées, d'autres jugeant qu'une telle mesure serait contraire à la loi de 1905, sur la séparation des Églises et de l'État.

Le président François Hollande a lui-même souhaité une évolution de la loi sur la laïcité.

«Il n'appartient pas au ministre de l'Intérieur de remettre en cause une décision de justice», a estimé samedi l'intellectuel suisse Tariq Ramadan, qui animait une conférence devant une salle comble, appelant le public à être «agent de réconciliation» entre les Français musulmans et non-musulmans.

«Élever le débat»

«Il y a un vrai sentiment d'inquiétude parmi nous», avait déclaré à l'AFP, avant l'ouverture des rencontres, le président de l'UOIF, Ahmed Jaballah.

«Les dernières déclarations de ceux qui veulent étendre la loi de la laïcité dans les établissements privés suscitent une vraie inquiétude chez les musulmans: on est en train de revoir une laïcité à la mesure de leur pratique», avait-il ajouté.

«Même si le problème existe, ici on oublie. Il y a une très bonne ambiance», estime dimanche Assma, qui travaille sur un stand de vente des vêtements pour femmes, et de voiles.

Rachid Tazi, venu avec ses enfants, vient de croiser sa belle-soeur, qui ne souhaite pas donner son nom. «Ca m'a fait rire qu'on reparle du voile, alors qu'il y a tellement de problèmes en France! C'est pour distraire les Français, élevons le débat!», commente-t-elle.

Autour d'elle, des associations appellent aux dons pour la construction de leurs mosquées, dessins et maquettes du projet à l'appui. Des organisations humanitaires font la quête pour aider les Syriens, Maliens, Palestiniens, ou pour l'accès à l'eau potable.

Mais le rassemblement qui se tient jusqu'à lundi est inhabituellement entouré d'une publicité discrète. L'année dernière, les autorités avaient pris une décision qui a fait grand bruit, en interdisant la venue de six invités accusés de radicalisme, dont l'influent théologien d'origine égyptienne Youssef al-Qaradaoui, établi au Qatar.

Et le président de l'époque, Nicolas Sarkozy, avait mis en garde l'UOIF contre «les porteurs d'appels à la violence, à la haine et à l'antisémitisme».