Le ministre du Budget Jérôme Cahuzac, un pilier du gouvernement français accusé d'avoir détenu un compte en Suisse, a démissionné mardi, trois heures après que le parquet eut annoncé l'ouverture d'une information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale sur cette affaire.

«Le président de la République a mis fin aux fonctions de Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du budget, à sa demande», a indiqué mardi soir la présidence.

François Hollande a souligné le «talent et la compétence» de l'ancien ministre, et salué «la décision qu'il a prise de remettre sa démission de membre du gouvernement pour mieux défendre son honneur».

Jérôme Cahuzac a aussitôt réaffirmé dans un communiqué son «innocence» et dénoncé le «caractère calomniateur» de l'accusation selon laquelle il a détenu un compte à la banque suisse UBS.

Il ajoute avoir décidé de présenter sa démission «par respect pour le bon fonctionnement tant du gouvernement que de la justice».

Cette démission du grand argentier du gouvernement survient à un moment particulièrement délicat: Jérôme Cahuzac avait commencé lundi à recevoir les autres ministres pour déterminer les économies envisagées pour réduire les déficits publics dans la préparation du budget 2014.

La forte personnalité de ce chirurgien de 60 ans, qui a fait fortune dans les implants capillaires, devait garantir une nouvelle baisse draconienne des dépenses publiques.

Mais sa position était devenue très difficile mardi, lorsque le parquet a annoncé l'ouverture d'une information judiciaire en raison «de la complexité des investigations à diligenter», en particulier «la mise en oeuvre complète de l'entraide répressive internationale, en Suisse mais aussi à Singapour».

Les juges d'instruction enquêteront notamment sur des faits présumés de blanchiment de fraude fiscale.

M. Cahuzac a aussitôt été remplacé par Bernard Cazeneuve, actuel ministre des Affaires européennes. Et M. Cazeneuve est remplacé aux Affaires européennes par Thierry Repentin, actuel ministre délégué à la formation professionnelle.

Selon le site d'informations Mediapart, qui a révélé l'affaire, le compte détenu par M. Cahuzac chez l'Union des banques suisses (UBS) aurait été clôturé en 2010 et les avoirs auraient été transférés, via des montages complexes, à Singapour.

Concernant l'enregistrement diffusé en décembre par Mediapart, dans lequel un homme, identifié par le site comme étant Jérôme Cahuzac, évoque la détention d'un compte dans une banque suisse, l'enquête a conclu qu'il n'a «subi aucune altération ou modification», selon un communiqué du parquet de Paris.

Dans cet enregistrement datant, selon le site, de la fin de l'année 2000, l'homme déclare: «ça me fait chier d'avoir un compte ouvert là-bas, l'UBS c'est quand même pas forcément la plus planquée des banques».

Consultant de l'industrie pharmaceutique

Cet enregistrement était en possession depuis douze ans de l'avocat Michel Gonelle, ex-rival politique de Jérôme Cahuzac dans le sud-ouest de la France.

«Trois témoins ont dit reconnaître la voix» et un autre a reconnu «des intonations de la voix», a précisé le parquet.

La police technique scientifique, qui a comparé la voix de l'interlocuteur mystérieux de la bande avec celle de M. Cahuzac, conclut: «le résultat de notre analyse renforce l'hypothèse que Jérôme Cahuzac est le locuteur inconnu».

Le parquet précise par ailleurs que «l'un des témoins entendus par les enquêteurs a affirmé qu'il lui avait été rapporté que les sommes versées sur ce supposé compte proviendraient de laboratoires pharmaceutiques».

Selon plusieurs médias, Jérôme Cahuzac, chirurgien de formation passé par le cabinet du ministre de la Santé Claude Evin (1988-91) comme conseiller technique, a été après cette expérience ministérielle consultant pour l'industrie pharmaceutique, notamment en matière de conseil de politique du médicament.

Pour cette raison, l'information judiciaire porte également sur la «perception par un membre d'une profession médicale d'avantages procurés par une entreprise dont les services ou les produits sont pris en charge par la sécurité sociale».

Après la révélation de l'affaire fin 2012, le ministre délégué au Budget avait déclaré le 5 décembre devant les députés: «Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger. Ni maintenant, ni avant».

Le ministre avait également annoncé le dépôt d'une plainte en diffamation contre Mediapart.

Pour le co-fondateur de ce site, Edwy Plenel, le parquet «confirme ligne par ligne l'ensemble des informations mises sur la place publique par Mediapart».