Le chef rebelle kurde emprisonné Abdullah Öcalan a confirmé lundi qu'il appellerait jeudi, à l'occasion du Nouvel An kurde, ses troupes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à un cessez-le-feu, un geste attendu qui renforce les espoirs d'une paix dans un conflit qui a fait 45 000 morts depuis 1984.

Annoncé depuis plusieurs semaines, cet appel a été confirmé lundi à l'issue de la troisième visite rendue dans la journée par une délégation de députés du Parti pour la paix et la démocratie (BDP, pro-kurde) au fondateur du PKK dans son île-prison d'Imrali, en mer de Marmara, non loin d'Istanbul.

«Je poursuis mes préparatifs pour lancer un appel le 21 mars, le jour des célébrations du Newroz (Nouvel An kurde). La déclaration que je vais faire sera historique», a-t-il déclaré dans un message lu par l'un de ses visiteurs, le coprésident du Parti pour la paix et la démocratie (BDP, pro-kurde) Selahattin Demirtas.

«Cet appel comprendra des informations satisfaisantes concernant la partie militaire et la partie politique d'une solution. Je veux résoudre la question des armes rapidement, sans qu'aucune autre vie ne soit perdue», a ajouté M. Öcalan.

L'annonce du prochain appel au cessez-le-feu suit un autre geste de paix promis par le PKK, la libération mercredi dernier de huit prisonniers turcs détenus depuis deux ans par le mouvement rebelle dans son repaire du nord de l'Irak.

Selon des sources gouvernementales et kurdes, M. Öcalan devrait également annoncer jeudi que ses militants se retiraient du territoire turc d'ici au 15 août 2013, la date anniversaire du début du conflit.

«Il s'agira d'un appel qui dira beaucoup plus de choses qu'un cessez-le-feu, il s'agira d'une déclaration qui signifiera qu'il y a accord pour un processus de négociations», a pronostiqué la semaine dernière la coprésidente du BDP Gültan Kisanak.

Depuis le début des hostilités en 1984, les rebelles kurdes ont déjà observé plusieurs cessez-le-feu unilatéraux, toujours rejetés par les autorités d'Ankara, et procédé à plusieurs libérations de prisonniers. Mais ces initiatives n'ont jamais permis de déboucher sur une solution politique au conflit.

Espoirs

Mais depuis la fin 2012, le climat semble avoir changé. Au terme d'une année particulièrement meurtrière sur le front des combats entre l'armée et les rebelles, les autorités d'Ankara ont repris le dialogue avec Abdullah Öcalan, qui purge depuis 1999 une peine de réclusion à perpétuité.

Depuis cette date, les deux parties ont multiplié les signes de bonne volonté.

Longtemps placé à l'isolement, le chef rebelle a été autorisé depuis à s'entretenir à trois reprises avec des députés kurdes.

Le gouvernement islamo-conservateur du premier ministre Recep Tayyip Erdogan a aussi déposé au Parlement un «paquet» législatif qui doit élargir les droits de la minorité kurde, riche de 12 à 15 millions de membres sur les 75 millions d'habitants que compte la Turquie. Ces textes doivent aussi permettre la libération de centaines de militants kurdes incarcérés pour leurs liens avec le PKK.

«Il y a déjà eu toutes sortes de discussions et de cessez-le-feu, mais les discussions actuelles semblent plus sérieuses que les précédentes», a résumé Mme Kisanak.

De nombreux obstacles demeurent toutefois sur la voie d'une paix durable. À commencer par le sort réservé à Abdullah Öcalan lui-même. Dimanche soir, le ministre de la Justice Sadullah Ergin a une nouvelle fois écarté l'idée d'une amnistie générale, mais les Kurdes insistent toujours pour une remise en liberté du chef du PKK ou, à défaut, son assignation à résidence.

Les discussions avec le chef kurde suscitent également l'hostilité d'une majorité de Turcs, qui le considèrent toujours comme un «tueur d'enfants». Le chef du parti ultranationaliste MHP, Devlet Bahçeli, a même dénoncé des «marchandages».

Alors que les discussions sur l'élaboration d'une nouvelle Constitution piétinent depuis des mois, l'opposition soupçonne le pouvoir et le BDP de préparer un marché : plus de droits pour les Kurdes en échange d'une loi fondamentale plus présidentielle taillée sur mesure pour M. Erdogan, contraint de quitter la tête du gouvernement en 2015.