Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, aborde le sommet européen de jeudi et vendredi fragilisé par le scandale de corruption présumée qui secoue son parti mais sa démission semble peu probable, du moins à court terme, selon des analystes.

Mariano Rajoy l'a réaffirmé lundi, à Berlin, à l'issue du 24e sommet germano-espagnol: «Comme je l'ai dit samedi, les choses dont on m'accuse sont fausses.»

«Donc, je conserve la même envie, le même courage et la même détermination que lorsque je suis arrivé à la tête du gouvernement pour sortir de l'une des situations les plus difficiles que l'Espagne ait connue ces trente dernières années», a-t-il déclaré, soutenu par la chancelière allemande Angela Merkel à ses côtés.

Certes, mais «la position de Rajoy avant le sommet européen est encore plus fragile parce qu'une accusation de corruption pour un parti au pouvoir est une accusation très grave», assure Ferran Requejo, professeur de sciences politiques de l'Université Pompeu Fabra de Barcelone.

Selon lui, Mariano Rajoy «ne va pas réussir à se faire entendre des institutions européennes. Il n'est pas un acteur important en Europe et ne le sera pas tant que les indicateurs ne s'améliorent pas, comme le chômage» qui touche plus de 26 % des actifs dans le pays.

De l'aveu même de certains dirigeants européens, les négociations s'annoncent très difficiles sur le budget européen qui pourrait être amputé de 77,4 milliards d'euros. Madrid pourrait perdre jusqu'à 20 milliards, selon la presse.

Lundi, la confiance des investisseurs dans l'économie espagnole semblait à nouveau ébranlée par les tensions politiques dans le pays, et la Bourse de Madrid chutait de près de 4 %.

En Espagne, le parti a beau multiplier les démentis et annoncer des poursuites judiciaires contre ceux qui ont alimenté une supposée implication de Mariano Rajoy dans une affaire d'argent non déclaré, l'indignation populaire est à son comble et la pression politique s'accentue.

Une pétition, sur la plateforme Change.org, réclamant la démission de Mariano Rajoy et des élections anticipées, avait recueilli lundi 850 000 signatures, s'ajoutant à la demande de démission du chef de l'opposition, Alfredo Perez Rubalcaba.

Toutefois, «il y a très peu, voire aucune chance que Rajoy démissionne», affirme Ferran Requejo.

«Quelle que soit la force de la crise politique, s'il n'y a pas un procès et une condamnation, il n'y a pas de démission politique en Espagne. C'est une tradition», explique-t-il.

Une analyse partagée par d'autres experts, comme Anton Losada, professeur en sciences politiques à l'université de Saint-Jacques de Compostelle.

«Je ne pense pas que Rajoy doive démissionner, ni évidemment qu'il va être forcé de le faire», estime ce politologue.

Pour lui, «il est évident que cela vient de l'intérieur même du parti» de Mariano Rajoy. «Il y a une partie de la droite médiatique, politique, économique du PP qui n'a jamais aimé Mariano Rajoy», le jugeant pas assez dur notamment face à la poussée indépendantiste en Catalogne.

Mais «Rajoy sait tenir et sait jouer avec le temps», misant sur la faible popularité de l'opposition socialiste, souligne Anton Losada.

Selon un sondage publié dimanche, le PP est tombé au plus bas dans les intentions de vote depuis sa victoire électorale de novembre 2011, à 23,9 %, mais les socialistes, à 23,5 %, n'en profitent pas.

«Son avenir dépend de sa capacité à empêcher que son parti ne se délite, et de l'économie. Les gens vivent très mal» la crise et l'austérité. «Si les gens commencent à voir les choses s'améliorer, cela aura un effet apaisant», remarque Anton Losada.

En attendant, «il y a un coût politique important à payer avec son problème de légitimité» et il va avoir du mal à imposer son plan de rigueur. «On ne peut pas exiger des sacrifices alors qu'on gagne par ailleurs tant d'argent», juge cet expert.