Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a nié samedi avoir reçu de l'argent au «noir» et annoncé qu'il allait rendre publics ses revenus, répondant au scandale de corruption qui soulève l'indignation dans le pays.

«Jamais, je répète, jamais je n'ai reçu ni distribué d'argent au noir», a affirmé Mariano Rajoy devant la direction de son parti, réunie en urgence à Madrid, pendant que dehors, des manifestants criaient «démission».

«Si certains imaginent que face au harcèlement je vais abandonner la tâche que les Espagnols m'ont confiée, je tiens à leur dire qu'ils se trompent», leur a répondu le chef du gouvernement.

«Mes déclarations de revenus et de patrimoine seront mises à la disposition de tous les citoyens dès la semaine prochaine», a-t-il ajouté, en promettant «la plus grande transparence».

Le nom de Mariano Rajoy était apparu jeudi, cité par le quotidien El Pais, parmi les bénéficiaires présumés de salaires occultes qui auraient été versés pendant des années à plusieurs dirigeants du Parti populaire, de droite, qu'il préside depuis 2004.

Un coup de tonnerre dans une Espagne ébranlée par la multiplication des cas de corruption: après différents scandales ayant révélé des pratiques courantes chez nombre d'élus locaux, les soupçons se portent maintenant sur des dirigeants nationaux.

Brandissant des enveloppes, nouveau symbole de l'indignation populaire, des centaines de manifestants se sont relayés depuis jeudi à Madrid près du siège du PP, tenus à l'écart par des cordons de police.

«L'indignation est arrivée à un sommet. On ne peut permettre qu'un gouvernement soit corrompu, composé de délinquants qui volent les citoyens», lançait samedi Maxi Sanchez Pizarro, un enseignant de 54 ans.

Le soir, ils étaient à nouveau quelques centaines à crier «ce n'est pas un parti, c'est une mafia».

En fin de journée, une pétition lancée jeudi sur la plateforme Change.org, pour réclamer la démission de Mariano Rajoy, avait recueilli plus de 710 000 signatures.

À 57 ans, originaire de la région conservatrice de Galice, dans le nord-ouest de l'Espagne, Mariano Rajoy a pris la tête du gouvernement à la fin 2011, succédant aux socialistes balayés par les turbulences de la crise économique.

Jouant sur une image de sérieux derrière sa barbe grise, il avait alors promis de redresser le pays, miné par la crise et le chômage. Mais un an plus tard, les dirigeants politiques battent des records d'impopularité et la monarchie elle-même n'échappe plus aux scandales de corruption.

«Nous ne devons pas permettre que les Espagnols, auxquels nous demandons tant de sacrifices, puissent avoir l'impression que nous ne faisons pas preuve de la plus stricte intégrité», a-t-il assuré samedi.

«Je n'ai pas décidé de faire de la politique mon métier pour gagner de l'argent», a-t-il dit. «J'ai perdu de l'argent, mais il se trouve que pour moi l'argent, ce n'est pas le plus important».

Il a défendu l'intégrité de son parti tout entier, affirmant que «toutes les rétributions» de ses dirigeants «avaient répondu pendant toutes ces années à la plus stricte légalité».

«L'affaire Barcenas» avait explosé comme une bombe, le 18 janvier: le quotidien de centre droit El Mundo affirmait alors que Luis Barcenas, ancien trésorier du PP, avait distribué pendant deux décennies des enveloppes contenant entre 5000 et 15 000 euros à des dirigeants du parti, provenant d'entreprises privées.

Selon El Mundo, Mariano Rajoy n'a jamais touché ces enveloppes et avait ordonné de mettre fin à cette pratique en 2009.

Mais jeudi, El Pais, de centre gauche, allait plus loin en publiant des photos de comptes manuscrits prétendument établis entre 1990 et 2008 par Luis Barcenas et par un autre trésorier du PP, Alvaro Lapuerta.

Selon ces documents, écrivait le journal, l'actuel chef du gouvernement aurait perçu, entre 1997 et 2008, des «paiements pour un total de 25 200 euros par an», sous forme de dons émanant de chefs d'entreprises.

Les noms d'autres hauts responsables du parti comme Dolores de Cospedal, sa numéro deux, ou Rodrigo Rato, l'ex-président de Bankia, figurent aussi sur les tableaux.