Pierre Markarian se souvient encore de la perplexité ressentie en octobre 2007 devant la détérioration de l'état de santé de sa fille de 17 ans.

«Théodora était sportive, ne fumait pas. Elle était toujours pleine de vie. Je ne comprenais pas que, du jour au lendemain, elle puisse changer comme ça», relate-t-il.

Ses malaises étaient le signe avant-coureur d'une embolie pulmonaire qui l'a emportée quelques jours plus tard.

Ce n'est qu'en faisant des recherches par la suite que M. Markarian s'est rendu compte d'un lien possible avec l'usage d'un contraceptif oral de troisième génération, Mercilon. La jeune femme avait commencé à l'utiliser quelques mois plus tôt à l'insu de ses parents.

Théodora, dit-il, présentait une anomalie sanguine qui augmentait les risques de formation de caillots et d'embolie, mais le médecin qui a prescrit cette pilule ne l'a pas dépistée, et n'a pas cherché à le faire.

En 2010, une commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux a confirmé que l'embolie pouvait «être liée à la prescription» du produit.

«Les médecins à qui je parlais de l'effet de la pilule me disaient de laisser tomber, que je n'irais nulle part, que c'était le pot de fer contre le pot de terre. Mais j'ai juré à ma fille que les choses ne se passeraient pas comme ça», souligne M. Markarian, qui a décidé de fonder une association de victimes pour sensibiliser la population et les autorités aux risques des contraceptifs oraux de troisième et quatrième génération.

C'est par l'entremise de l'association qu'il est entré en contact avec les parents de Marion Larat. Cette femme de 25 ans, lourdement handicapée à la suite d'un accident cardio-vasculaire survenu en 2006, tient aussi une pilule de troisième génération responsable de ses problèmes de santé. Elle aussi a vu le lien validé par une commission de compensation.

En décembre, la jeune femme, avec l'appui de sa famille, a décidé de porter plainte contre le producteur du produit, Bayer, pour «atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine». Elle cible aussi l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) française pour ne pas avoir respecté le principe de précaution en déconseillant à temps l'usage de pilules plus risquées.

Des plaignants se rallient

Plusieurs plaignants, dont M. Markarian, se sont ralliés depuis à la démarche qui vise une demi-douzaine de producteurs de contraceptifs oraux de troisième et quatrième génération.

La ministre de la Santé française, Marisol Touraine, a demandé à l'Agence européenne du médicament de revoir les autorisations de mise en marché de ces produits pour garantir qu'ils ne soient plus prescrits comme premier choix. L'ANSM a lancé un rappel à ce sujet à la communauté médicale.

La mère de Marion Larat, Elizabeth Walton, déplore que ces pilules aient été prescrites à large échelle malgré les risques accrus.

La désassurance

«Les médecins sont complètement envahis par le marketing des laboratoires. Et les pouvoirs publics ont complètement lâché le terrain à ces mêmes laboratoires», indique Mme Walton, qui s'inquiète de la sous-déclaration de cas problématiques.

La Haute Autorité de santé française, qui évalue les médicaments en vue de décider s'ils doivent être remboursés, a souligné en 2007 qu'il fallait éviter de prescrire les pilules des dernières générations en première intention. L'organisation est revenue à la charge dans un nouvel avis en juin 2012, en relevant que le «service médical rendu» par ces produits était insuffisant pour justifier leur remboursement.

La ministre avait annoncé en septembre son intention de désassurer les pilules de troisième génération à compter d'octobre 2013, mais elle a depuis avancé cette échéance au mois de mars.

Depuis que les médias se sont emparés du dossier en France, M. Markarian dit recevoir chaque jour une trentaine de nouveaux témoignages par l'entremise de son association.