L'acteur français Gérard Depardieu a confirmé jeudi, dans une lettre diffusée par une chaîne de télévision russe, qu'il avait fait une demande de passeport russe. Il se dit ravi qu'elle ait été acceptée par le président Vladimir Poutine, qui lui a accordé la citoyenneté plus tôt dans la journée.

«Oui, j'ai fait cette demande de passeport et j'ai le plaisir qu'elle ait été acceptée. J'adore votre pays la Russie, ses hommes, son histoire, ses écrivains», a déclaré l'acteur de 64 ans dans cette lettre diffusée en français par la chaîne russe Pervyi Kanal.

L'acteur français en profite également dans ce message dithyrambique envers la Russie et son régime pour saluer le président russe et les relations d'amitié qui les lient.

«J'en ai même parlé à mon Président, François Hollande. Je lui ai dit tout cela. Il sait que j'aime beaucoup votre Président Vladimir Poutine et que c'est réciproque», écrit-il.

«Et je lui ai dit que la Russie était une grande démocratie, et que ce n'était pas un pays où un premier ministre traitait un citoyen de minable», ajoute l'acteur dans une référence au premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, qui avait qualifié l'exil fiscal de l'acteur d'«assez minable».

Depardieu indique par ailleurs qu'il compte apprendre le russe.

Et d'ajouter: «En Russie, il fait bon vivre. Pas forcément à Moscou qui est une mégapole trop grande pour moi. Je préfère la campagne, et je connais des endroits merveilleux en Russie.»

Vladimir Poutine a accordé plus tôt dans la journée la citoyenneté russe à Gérard Depardieu, un coup d'éclat en pleine polémique en France concernant l'exil fiscal de cet acteur, très connu en Russie et dans toute l'ex-URSS.

Cette décision, particulièrement rare en Russie, intervient alors que l'acteur français, interprète en 2011 du mystique Raspoutine dans une production franco-russe, a annoncé récemment qu'il renonçait à son passeport français, s'estimant «injurié» par les critiques du premier ministre Jean-Marc Ayrault après son exil fiscal en Belgique.

«Vladimir Poutine a signé un décret accordant la citoyenneté russe au Français Gérard Depardieu», a annoncé le Kremlin dans un bref communiqué, en mentionnant un article de la Constitution russe qui donne le droit au président d'accorder, selon sa volonté, la citoyenneté russe à des étrangers.

En décembre, le président Poutine, soucieux de montrer que le régime fiscal en Russie, où l'impôt sur le revenu est de 13% pour tous, est intéressant pour le monde des affaires, s'était dit prêt à accorder un passeport à Gérard Depardieu s'il le souhaitait.

«Cette promesse était fondée sur l'importante contribution de Depardieu à la culture nationale et au cinéma», a expliqué jeudi le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, à l'agence Interfax.

«L'annonce de M. Poutine rend la situation plus complexe», a estimé de son côté le président de la commission belge des naturalisations, M. Georges Dallemagne.

Si l'acteur «acceptait la citoyenneté russe, il pourrait toujours faire une demande en Belgique, mais nous l'examinerions différemment. Il faudrait qu'il nous dise clairement quels sont ses projets, s'il entend résider et développer ses activités dans notre pays».

«Le bienvenu en Tchétchénie»

Très célèbre en Russie, Depardieu apparaît régulièrement dans diverses publicités, notamment pour la banque Sovietski et pour une marque de ketchup.

Fan autoproclamé de la culture russe, en particulier de l'oeuvre de l'écrivain Dostoïevski, il a été membre du jury du festival du film de Moscou et figurait dans le parterre de stars devant lequel Vladimir Poutine, alors premier ministre, avait entonné l'air de Blueberry Hill lors d'un concert de bienfaisance à Saint-Pétersbourg, en 2010.

Mais l'acteur, connu pour ses frasques, s'est également fait remarquer pour son implication dans des projets et évènements controversés dans l'ex-URSS.

En octobre dernier, il a ainsi participé à des célébrations officielles à Grozny, capitale de la Tchétchénie, au cours desquelles il avait lancé: «Gloire à la Tchétchénie, gloire à Kadyrov», en s'affichant aux côtés de Ramzan Kadyrov, numéro 1 de cette république, accusé de multiples exactions par les ONG de défense des droits de l'homme.

Ce dernier s'est d'ailleurs dit prêt à accueillir Depardieu dans cette république instable du Caucase.

Récemment, Depardieu a également enregistré une chanson avec Gulnara Karimova, la fille aînée du président ouzbek Islam Karimov, au pouvoir depuis 1989 et très critiqué par les Occidentaux pour son bilan en matière de droits de l'homme.

L'acteur devrait de surcroît jouer dans une série ouzbèke qu'il coécrit.

Imposé à 13%

Dimanche, l'acteur avait annoncé que la décision du Conseil constitutionnel français de censurer la taxation à 75% des contribuables les plus aisés «ne changeait rien» à sa décision de s'installer en Belgique.

Selon les médias russes, il serait soumis au régime des 13% d'impôts sur le revenu seulement s'il résidait au moins six mois par an en Russie.

L'impôt sur ses revenus, obtenus en Russie ou à l'étranger, s'élèverait cependant à 30% s'il passait plus de six mois à l'étranger.

L'affaire a fait la une jeudi en Russie, où les commentaires aussi bien positifs qu'ironiques se sont multipliés sur la Toile.

L'ex-dissidente soviétique et militante russe Lioudmila Alexeeva a même réagi, estimant qu'il s'agissait d'une «bonne» nouvelle, mais soulignant aussi que le président devrait user de son droit d'accorder la citoyenneté russe dans d'autres cas.

«Ma propre petite-fille, qui est née à Moscou et a les papiers qui le prouvent, vit depuis déjà six ans à Moscou mais n'arrive pas à obtenir la citoyenneté russe», a-t-elle déclaré à l'agence Ria Novosti.

Photo: AFP

Le président russe Vladimir Poutine.