Dans une petite rue non loin de la gare centrale d'Amsterdam, des dizaines de touristes s'entassent à l'intérieur du Café 420, l'un des 200 coffee shops de la ville.

«Donnez-moi un gramme de celle-là; les autres, je les ai toutes essayées», lance un Américain hilare en montrant du doigt l'une des drogues douces que propose le petit établissement.

Après paiement, il prend son sachet de cannabis et va s'asseoir au bout du comptoir pour savourer illico son achat.

La scène, banale dans une ville connue pour sa permissivité, aurait bien pu devenir impossible si le gouvernement néerlandais avait interdit comme prévu la vente de drogues douces aux visiteurs étrangers.

«Je n'ai jamais cru un instant que cette loi finirait par atteindre Amsterdam», confie le propriétaire du Café 420, Michael Veling sans interrompre le smoke in commencé un peu plus tôt avec quelques amis.

»Comme interdire le ski en Autriche»

«Interdire la vente aux étrangers à Amsterdam, ce serait comme interdire le ski en Autriche», dit l'homme de 57 ans, qui est porte-parole de l'association des détaillants de cannabis des Pays-Bas.

Au printemps, l'État a créé une vive commotion lorsqu'il a annoncé qu'il voulait interdire l'accès des coffee shops aux étrangers. Le projet se voulait une réponse aux villes frontalières qui se plaignaient des perturbations de la paix publique que cause l'afflux de visiteurs en provenance de l'Allemagne et de la Belgique.

La nouvelle réglementation, appliquée dans le Sud à partir du 1er mai, devait être élargie à l'ensemble du pays au début de 2013. Elle a eu un impact «catastrophique» au dire de M. Veling, qui déplore la fermeture de plusieurs commerces, une baisse importante des revenus et la réapparition des vendeurs de rue dans les villes ciblées.

Un nouveau gouvernement, formé à la suite d'élections législatives anticipées, a rectifié le tir à l'automne, en laissant à chaque ville le dernier mot en matière de vente de cannabis sur son territoire.

Le maire d'Amsterdam, Eberhard van der Laan, a signalé la semaine dernière que les autorités locales n'appliqueraient pas l'interdiction aux étrangers. Il craint que les touristes qui vont à Amsterdam pour consommer des drogues douces cherchent à s'en procurer illégalement en cas d'interdiction et provoquent du coup une recrudescence de la criminalité.

L'administration promet parallèlement de lutter contre la consommation en milieu scolaire et menace de fermer une quarantaine de cafés situés trop près des écoles, ce qui risque de toucher l'établissement de M. Veling. Mais il ne se montre pas très intimidé par la perspective d'un bras de fer avec les autorités. «Ça fait 40 ans que je défie la loi», conclut-il.