Des centaines de femmes françaises ont signé, au cours des dernières semaines, un manifeste dans lequel elles déclarent publiquement avoir été violées.

Le manifeste en question, lancé par l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur, vise à en finir avec le «silence massif» qui entoure cette question dans le pays.

L'initiative, inspirée d'une démarche lancée au début des années 70 en faveur de l'accès à l'avortement, est chapeautée par une politicienne de gauche, Clémentine Autain, qui a elle-même été violée.

«On peut dire à table qu'on a été victime d'un cambriolage, d'un cancer ou qu'un de nos parents est décédé, mais parler de viol, ça ne se fait pas. Ce manifeste est là pour sortir du silence, pour faire en sorte que les femmes puissent parler», a déclaré Mme Autain dans une entrevue vidéo diffusée en appui à la démarche.

Le «tabou» entourant le viol «fait le jeu» des agresseurs, souligne la militante, qui déplore le fait qu'un grand nombre de victimes se refusent à porter plainte à la police par crainte d'être stigmatisées.

«La honte doit changer de camp. Ensemble, nous pouvons faire reculer les préjugés et donc faire reculer le viol dans notre pays», plaide-t-elle.

Plusieurs personnalités connues ont signé le manifeste, qui regroupait au départ 313 femmes. Parmi elles figurent notamment l'ex-conjointe d'un ancien premier ministre (Marie-Laure de Villepin), une militante féministe connue qui conseille aujourd'hui la ministre des Droits des femmes (Caroline de Haas), une ancienne championne de tennis (Isabelle Demongeot) ainsi qu'une journaliste de France 3 agressée à la place Tahrir, en Égypte, en 2011 (Caroline Sinz).

L'organisation Osez le féminisme, qui avait lancé une campagne publique sur la question du viol il y a quelques années, pense que l'initiative du Nouvel Observateur constitue un pas important pour faire changer les choses.

Les dirigeantes de l'organisation avaient alors songé à aller de l'avant avec une initiative similaire, mais avaient finalement laissé l'idée de côté parce qu'elles jugeaient la démarche de dévoiler publiquement le viol subi «trop difficile et douloureuse».

Selon Magali de Haas, porte-parole d'Osez le féminisme (et soeur de la militante Caroline de Haas), il existe toujours en France une «énorme chape de plomb qui pèse sur les victimes de viol».

«Les femmes qui portent plainte font face en permanence à des demandes de justification. On leur demande d'expliquer pourquoi elles se trouvaient à tel endroit, pourquoi elles portaient telle tenue vestimentaire, pourquoi elles n'ont pas porté plainte plus tôt», souligne-t-elle.

Les préjugés entourant la question ont été mis en relief, selon Mme de Haas, par la controverse entourant l'arrestation de l'ex-directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn dans l'affaire du Sofitel.

Des «propos extrêmement sexistes» ont été entendus au moment où l'affaire a éclaté, relève la porte-parole, qui évoque notamment les commentaires du journaliste Jean-François Kahn. Il avait parlé d'un «troussage de domestique» en réaction aux allégations de la plaignante, Nafissatou Diallo, qui affirme avoir été agressée par l'économiste.

Au dire de Mme de Haas, nombre de policiers et d'acteurs du milieu judiciaire colportent encore aujourd'hui des préjugés envers les victimes de viol qui réduisent grandement leurs chances d'obtenir justice.

Selon Osez le féminisme, environ 75 000 femmes sont violées chaque année en France. Près de 80 % de ces agressions sont imputables à des proches plutôt qu'à des étrangers.