Envolée la gitane voluptueuse, prohibé l'arôme mentholé: Bruxelles a mis le paquet mercredi contre le tabac avec des propositions destinées à ruiner l'image d'une pratique qui engendre une grave dépendance et cause la mort chaque année de près de 700 000 personnes en Europe.

Dissuader et dégoûter, tel est l'objectif de Tonio Borg, le commissaire chargé de la Santé et de la protection des consommateurs.

Si ses propositions sont approuvées, les paquets de cigarettes et de tabac à rouler devront afficher des avertissements imagés sur les dangers pour la santé sur 75% de leurs surface. Le modèle présenté mercredi par M. Borg portait l'image d'un poumon nécrosé.

«Cette proposition vise à dissuader les jeunes de s'initier au tabagisme en limitant l'attrait des produits du tabac et de la cigarette», a-t-il expliqué au cours d'une conférence de presse.

«Fumer reste un choix, mais nous devons informer les fumeurs et les non-fumeurs de tous les dangers», a-t-il soutenu.

Soulignant que «le tabac tue chaque année près de 700 000 personnes en Europe, soit l'équivalent de la population de Francfort ou de Palerme», M. Borg espère «réduire de 12% le nombre des fumeurs au cours des cinq prochaines années».

«Les consommateurs ne doivent pas être abusés: il faut que les produits du tabac aient l'aspect et le goût du tabac. Cette proposition veille à ce que les emballages et les arômes ne puissent être utilisés comme arguments de vente», a-t-il insisté.

Un vaste processus de consultation a précédé la formulation de ces propositions appelées à renforcer une législation en vigueur dans l'Union européenne depuis 2001 et qui s'en prennent directement aux intérêts de l'industrie. Elles «ne vont pas plaire à tout le monde», a reconnu M. Borg.

Malgré les pressions, le texte n'a pas été modifié. Les mesures les plus contestées, comme l'obligation d'agrandir les avertissements imagés, l'interdiction des arômes forts comme le menthol, la prohibition des qualificatifs «light» ou «faible teneur de goudron», ainsi que la possibilité pour les États de faire disparaître les marques et d'adopter un conditionnement neutre, comme en Australie, figurent dans la proposition.

Sont également interdits à la vente les paquets de moins de 20 unités et les cigarettes fines, car «de nature à induire en erreur».

L'interdiction du snus, imposée en 1992, est maintenue dans l'UE, sauf pour la Suède, bénéficiaire d'une dérogation pour ce tabac à chiquer très prisé dans ce pays. Tous les produits du tabac sans combustion devront, comme les cigarettes, porter des avertissements sanitaires sur les surfaces principales de leur conditionnement.

Des avertissements sanitaires sont également imposés pour les produits contenant de la nicotine, comme les cigarettes électroniques.

Les règles sont en revanche moins strictes pour le tabac à pipe, les cigares et cigarillos, exemptés de l'obligation d'apposer des avertissements imagés car «ils ne servent pas en quantité massive de porte d'entrée dans le tabagisme».

«La Commission européenne s'était engagée à soumettre une proposition sur les produits du tabac d'ici à la fin de 2012. Promesse tenue!», a conclu le commissaire Borg.

Les Etats et le Parlement européen doivent encore l'approuver. Premiers à réagir, les élus des groupes socialistes et Verts ont salué le texte, jugé «améliorable» par les écologistes.

«L'industrie, avec ses moyens considérables, va exercer une énorme pression pour tenter de préserver ses intérêts», a toutefois averti l'ONG Alliance européenne pour la Santé (EPHA).

En France, cigarettiers et buralistes estiment que les mesures présentées par la Commission européenne seront inefficaces et renforceront les circuits de distribution parallèle.

«Ces propositions nous paraissent inefficaces et disproportionnées, elles portent atteinte à la liberté du consommateur», a déclaré Eric Sensi, directeur des affaires publiques de la Seita, filiale française d'Imperial Tobacco.

A la tête de la filiale française de Japan Tobacco International, Daniel Sciamma considère que les mesures annoncées «n'auront aucun impact sur la prévalence tabagique et la santé publique» mais «encourageront le commerce illicite et détruiront des emplois en Europe».

«Nous sommes très inquiets», a déclaré M. Sensi.

Le patron de la confédération des buralistes français, Pascal Montredon, estime lui aussi que «cela va donner libre cours au marché parallèle, qui existe dans tous les pays».

La Commission espère une entrée en vigueur en 2015 ou 2016.