La vie de couple s'avère décidément délicate à gérer sur le plan politique pour le président français François Hollande.

Les adversaires du chef de l'État socialiste font grand cas de son intervention dans une poursuite judiciaire déposée par sa conjointe, Valérie Trierweiler, qui a porté plainte en diffamation contre les auteurs d'une biographie non officielle intitulée La frondeuse.

Elle réclame 80 000 euros aux journalistes auteurs de l'ouvrage, qui se voient accusés de relayer des «rumeurs non avérées et malveillantes», notamment sur sa vie sentimentale passée.

Le président a fait transmettre au tribunal de grande instance de Paris une courte lettre écrite à la main, sur une feuille sans en-tête officiel, dans laquelle il qualifie certains passages du livre de «pure affabulation».

Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a aussi transmis une lettre, sur papier à en-tête officiel, pour critiquer la biographie, vendue à plus de 20 000 exemplaires. «Les propos qui me sont prêtés dans ce livre sont souvent approximatifs, partiels et sortis de leur contexte», a-t-il noté.

L'avocat de la maison d'édition responsable de l'ouvrage, Olivier Pardo, a déclaré que l'intervention des deux hommes représentait une «immixtion du pouvoir politique dans une affaire judiciaire».

Le président de la République, a-t-il relevé, est «garant de l'indépendance de la justice» et doit s'abstenir d'interventions «violant» le principe de séparation des pouvoirs.

Les lettres ont aussi été accueillies avec «stupéfaction» par les ténors de la droite traditionnelle, qui évoquent une «confusion constitutionnelle inédite».

Un secrétaire national de l'Union pour un mouvement populaire (UMP), Bruno Beschizza, a déclaré que les lettres «peuvent légitiment être considérées comme un moyen de pression tant sur le tribunal» que sur les journalistes en général.

Le président déclaré du parti, Jean-François Copé, s'est dit «très surpris» de l'action de François Hollande, relevant qu'il avait vertement critiqué dans l'opposition les interventions judiciaires de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy.

L'ancien chef d'État avait notamment fait appel aux tribunaux pour faire bloquer une publicité le montrant avec sa conjointe, Carla Bruni. Il avait également saisi la justice pour tenter de faire bloquer la distribution d'une poupée vaudou et lancé une poursuite contre un hebdomadaire qui avait traité de ses difficultés matrimoniales.

Une porte-parole du Parti socialiste, Frédérique Espagnac, a assuré de son côté que le président «respecte la séparation des pouvoirs» et n'interviendrait «en aucun cas» dans la justice du pays. La lettre envoyée au tribunal, a-t-elle expliqué, ne doit pas être vue comme une «intervention» mais plutôt comme un «témoignage».

La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a indiqué hier à l'Assemblée nationale que le chef de l'État était «tout à fait fondé» à communiquer sa version à titre de «personne privée».

Le Syndicat de la magistrature, proche de la gauche, a appuyé la position gouvernementale en relevant que la Constitution n'interdit pas au président ou aux membres du gouvernement de témoigner en justice.

La volonté de la journaliste de Paris Match de continuer à pratiquer son métier pendant le mandat de François Hollande a aussi soulevé la polémique.