Silvio Berlusconi? Un mafieux. Mario Monti? Le petit chien des banquiers. La démission imminente du premier ministre technocrate n'émeut pas les Italiens. Épuisés par la crise économique, étudiants, travailleurs et pensionnaires répudient leurs politiciens.

«Voici ce que je pense de Mario Monti.» Angelica Ragona fait mine de se couper le cou avec l'index. La Romaine de 59 ans, fonctionnaire à la Rete Ferroviaria Italiana (RFI), société d'État ferroviaire, n'arrive plus à joindre les deux bouts.

Ses taxes ont augmenté depuis l'entrée en fonction de l'austère économiste de 69 ans, appelé à régler la crise de la dette italienne en novembre 2011.

«Mon manteau, je l'ai payé trois euros chez un commerçant chinois. Même chose pour mes pantalons et mes bottes», affirme Mme Ragona, dont le salaire n'a pas augmenté depuis cinq ans.

Pourtant, elle ne se réjouit ni du départ de Mario Monti ni du retour de Silvio Berlusconi à la tête du parti Peuple de la liberté, crédité de seulement 15% des intentions de vote. «Ils sont tous pourris. Il nous faut de nouveaux visages», affirme-t-elle.

Plus loin, à la sortie du métro Basilica di San Paolo, au sud du centre-ville de la capitale, le nom de Berlusconi provoque les rires. Une réaction en phase avec un sondage publié vendredi, selon lequel 73% des Italiens désapprouvent sa sortie de retraite.

Seul Aldo Bultrini admet à mots couverts qu'il voterait pour lui de nouveau. «J'attends de savoir ce qu'il compte faire cette fois-ci pour l'Italie», dit l'homme de 58 ans.

«Le peuple est imbécile de l'avoir porté au pouvoir trois fois, dit de son côté Ernesto Cilli, retraité de 65 ans. Il nous fallait un économiste comme Mario Monti pour nous extirper de la crise.»

Fantaisies sanguinaires

Un avis que ne partage pas le commerçant Enzo Bondi. La cure d'austérité de Monti frappe de plein fouet la confiance des consommateurs, qui se font rares dans le magasin de literie d'Enzo Bondi, à deux semaines de Noël.

«J'ai perdu 90% de mon chiffre d'affaires cette année, dit-il, les yeux cernés. Les gens n'ont pas d'argent, ils perdent leur travail.» Dans ces conditions, Enzo Bondi se croit justifié de payer ses employés au noir.

La plupart des personnes rencontrées par La Presse ne veulent rien entendre des prochaines élections, prévues à la fin du mois de février. Pire, elles rêvent d'attentats politiques. «Si les élus continuent à s'attribuer des augmentations de salaire comme ils le font, l'un d'eux va se prendre une balle dans la tête», dit Angelica Ragona.

Enzo Bondi souhaite quant à lui le retour des brigades rouges, groupe terroriste d'extrême gauche qui ciblait des hommes politiques dans les années 70.

Au milieu de cette rage, une note positive étonnante de la part de Martina Carpino, 23 ans, qui fait partie d'une génération affligée par un taux de chômage de 36%.

«Peut-être que Monti a évité que notre situation ne se détériore comme en Grèce, hasarde l'étudiante en archéologie. J'ai quand même bon espoir de travailler dans mon domaine à la fin de mes études.»

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Nombre de mois pendant lesquels Silvio Berlusconi a gouverné l'Italie, entre mars 1994 et novembre 2011.