Les dissensions au sein du pouvoir russe se sont faites évidentes lundi après que le premier ministre Dmitri Medvedev, son micro resté ouvert, a traité des enquêteurs de «connards», dans un enregistrement placé sur l'internet.

«Ne vous inquiétez pas tout ira bien. Ce sont des connards s'ils viennent à huit heures du matin», dit dans cet enregistrement M. Medvedev, à l'issue d'une interview diffusée par plusieurs télévisions russes vendredi.

Il répondait à la question d'un journaliste sur la justification d'une perquisition effectuée le même jour à l'aube par des membres du Comité d'enquête au domicile du réalisateur d'un documentaire sur l'opposition russe.

Le lendemain, le Comité d'enquête, puissante structure se voulant un équivalent du FBI américain et placée sous la seule autorité du Kremlin, a exprimé son courroux dans un communiqué peu diplomatique.

«Il est très surprenant d'entendre des commentaires qui, non seulement insultent les enquêteurs du Comité d'enquête russe, mais remettent en question l'autorité de l'ensemble des forces de l'ordre du pays», a déclaré le porte-parole Sergueï Markine dans ce communiqué.

Le communiqué a été ensuite retiré du site du Comité d'enquête, mais M. Markine, qui a le grade de général, maintient ses propos dans des déclarations au journal Kommersant.

«L'interview du premier ministre s'est terminée par un scandale», titrait lundi Kommersant.

L'enregistrement et la diffusion sur l'internet de propos «tenus hors des ondes» d'un des premiers personnages de l'État est un procédé inédit dans la Russie de Vladimir Poutine.

L'application du même procédé à l'ex-agent du KGB et homme fort du pays reste cependant très improbable.

Le fait que l'enregistrement de M. Medvedev placé sur l'internet émane de la chaîne publique Russia Today a du reste suscité d'autres interrogations.

La rédactrice en chef de la chaîne, Margarita Simonian, s'est défendue de toute responsabilité, affirmant s'être contentée de retransmettre en direct sur YouTube les images fournies par les studios de la radio-télévision d'État.

«Nous avons essayé de l'interrompre quand s'est terminée la partie officielle de l'interview, mais nous n'avons pas pu le faire à temps», a-t-elle dit à Kommersant.

Une série d'enquêtes pour corruption lancée récemment au plus haut niveau avec l'appui des médias, et qui a notamment coûté son poste à l'influent ministre de la Défense Anatoli Serdioukov, a été interprétée par nombre d'observateurs comme le reflet d'une lutte de clans exacerbée au sein du pouvoir de Vladimir Poutine.