Les Catalans sont appelés aux urnes demain dans le cadre d'élections législatives anticipées qui pourraient déboucher sur un référendum d'autodétermination.

Le président du gouvernement de cette communauté autonome espagnole, Artur Mas, espère remporter une majorité absolue afin d'être en position de force pour poursuivre son bras de fer avec le gouvernement central.

Les derniers sondages indiquent que son parti risque de se retrouver sous le seuil critique de 68 élus, ce qui compliquera sa tâche devant Madrid.

Le gouvernement du premier ministre espagnol Mariano Rajoy, qui s'est investi personnellement dans la campagne, est férocement opposé à la tenue d'un référendum et promet d'utiliser tous les pouvoirs disponibles pour empêcher sa tenue.

Alliance gauche-droite?

M. Mas, qui chapeaute la coalition Convergence et union (CiU), a déjà fait savoir qu'il irait de l'avant avec la consultation populaire même s'il n'obtient pas la majorité absolue. Il devrait notamment s'associer pour ce faire avec les élus du principal parti indépendantiste, Gauche républicaine de Catalogne (ERC), en position de récolter une vingtaine de sièges.

Professeur de droit constitutionnel à l'Université de Barcelone, Xavier Arbos note que la gouvernance quotidienne risque de «s'avérer un peu compliquée» pour M. Mas en l'absence d'une majorité absolue.

La CiU, relève-t-il, est une formation d'inspiration néolibérale qui a traditionnellement fait avancer son programme économique avec l'appui de la section catalane du Parti populaire, férocement fédéraliste. Ses nouveaux alliés, résolument plus à gauche, risquent de lui imposer des demandes parallèles difficiles à concilier avec son plan, juge M. Arbos.

Mais le principal défi vient du référendum lui-même, qui ne peut être tenu légalement sans l'autorisation du gouvernement central. Or, le Parlement espagnol a voté par une large majorité contre un tel scénario en octobre.

Arrangement fiscal

Selon M. Arbos, il n'est pas impossible qu'Artur Mas mette au bout du compte le holà à sa démarche indépendantiste en échange d'un arrangement fiscal permettant à la Catalogne de prélever ses propres impôts comme le font le Pays basque et la Navarre.

M. Rajoy a opposé une fin de non-recevoir à cette demande à la fin de l'été, ce qui a entraîné une radicalisation de la position du dirigeant de la CiU et l'annonce des élections anticipées. Dans l'hypothèse d'une forte performance électorale des indépendantistes, Madrid pourrait être tenté de mettre de l'eau dans son vin.

Le mouvement nationaliste catalan, qui a illustré sa force lors d'une immense manifestation tenue à Barcelone au début du mois de septembre, avait déjà connu un essor marqué en 2010. Le Tribunal constitutionnel espagnol avait alors invalidé plusieurs dispositions-clés d'un nouvel accord permettant une autonomie élargie.

Le mouvement est amplifié aujourd'hui par la crise économique qui touche la Catalogne. La région, qui génère plus de 20 % du PIB espagnol, a dû demander une aide de 5 milliards d'euros (6,43 milliards $CAN) au gouvernement espagnol pour faire face à ses obligations budgétaires et se voit privée d'accès aux marchés financiers.

Le gouvernement catalan affirme que le système fiscal actuel le prive de revenus annuels de 16 milliards d'euros (20,6 milliards $CAN) et que la récupération de ces sommes permettrait à la région de devenir un «État propre» viable et dynamique.