Le rejet du projet d'ordination de femmes évêques dû à l'opposition d'une minorité traditionaliste a ravivé les divisions au sein de l'Église anglicane d'Angleterre et va lui coûter une partie de sa «crédibilité», de l'avis même de son chef, l'archevêque de Canterbury.

Avalisée par les évêques et le clergé, la réforme a achoppé mardi soir sur des résistances au sein du collège des laïcs. Au final, une minorité de 122 voix contre a suffi à bloquer le projet approuvé par 324 voix, suscitant mines consternées et larmes dans l'assemblée du synode général réuni depuis lundi à Londres.

«Nous avons (...) indubitablement perdu une certaine crédibilité auprès de la société», a asséné mercredi le primat de l'Église d'Angleterre, Rowan Williams, en s'adressant au synode à l'issue d'une réunion d'urgence des évêques sur cette question.

«Nous avons, à dire vrai, un gros travail d'explication à fournir», a-t-il averti. «Nous apparaissons aveugles à certaines tendances et priorités de cette société», a déploré le prélat, qui quitte ses fonctions en décembre.

La déception était partagée par le Premier ministre David Cameron qui s'est dit «attristé» par le vote, précisant, mercredi devant le Parlement, être «à titre personnel un fervent partisan» de l'ordination de femmes évêques.

«Je pense que c'est important pour l'Église d'Angleterre d'être une Église moderne, au contact de la société actuelle, et c'était une étape-clé qu'elle devait franchir», a regretté le Premier ministre.

Mais plusieurs dirigeants de l'Église d'Angleterre se voulaient optimistes.

Après avoir parlé d'«un jour très sombre», le futur archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, favorable au changement, a assuré qu'il «y aura des femmes évêques». «L'Église a voté de manière écrasante en faveur du principe. Il s'agit de trouver un moyen pour qu'il y ait un vrai consensus (...). Cela va prendre du temps», a-t-il cependant reconnu.

«Il y aura des femmes évêques de mon vivant», affirmait aussi le numéro deux de l'Eglise d'Angleterre, l'archevêque de York, John Sentamu, qui juge que «le principe a été accepté».

«Je pense que ce qui a été rejeté hier, ce ne sont pas les femmes évêques, mais le texte du projet, certains ont trouvé qu'il n'était pas assez bon», a expliqué le responsable religieux sur BBC Radio 4.

«Ce matin, les gens disent que l'Église a commis un suicide, qu'elle est morte. Eh bien les morts ne discutent pas. Nous avons discuté, nous ne nous sommes pas suicidés du tout, nous sommes tout à fait en vie», a-t-il assuré, en réponse aux sombres éditoriaux de la presse.

«Dans les années à venir, le vote restera (...) comme un terrible échec moral et politique», dénonçait ainsi le Times. Rappelant que le gouverneur suprême de l'Église d'Angleterre était une femme, la reine, et que l'institution s'appuyait largement sur des femmes dans son fonctionnement quotidien, le journal estime que le synode a «causé un grave tort à la moitié de la population».

Le résultat du scrutin marque un coup d'arrêt dans le processus amorcé en 1992, quand l'Église anglicane avait approuvé la prêtrise des femmes, qui représentent aujourd'hui un tiers du clergé.

«Le prochain archevêque de Canterbury, Justin Welby, aura besoin de son talent légendaire de médiation pour trouver un moyen d'avancer et un nouveau texte capable de satisfaire les plus traditionnalistes sans s'aliéner l'aile libérale de l'Église», résumait une commentatrice de la BBC.

La décision a aussi déçu les progressistes au sein de la communauté anglicane mondiale, qui représente 85 millions de fidèles et dont le primat de l'Église d'Angleterre est le chef spirituel. Ainsi l'évêque de Christchurch (Nouvelle-Zélande) Victoria Matthews a mis l'échec de la réforme sur le compte d'un «groupe traditionnaliste isolé».