L'ancien tout puissant premier ministre croate Ivo Sanader a écopé mardi d'une peine de dix ans de prison dans un procès pour corruption dont les tentacules s'étendent en Hongrie et en Autriche, une affaire étroitement surveillée par l'UE, que Zagreb est appelé à intégrer en 2013.

«L'inculpé Ivo Sanader est condamné à une peine de dix ans de prison», a déclaré le juge Ivan Turudic.

Costume gris, cravate bleu clair, cet homme qui a dirigé deux gouvernements conservateurs (2003-2009) et dont l'action politique a conduit la Croatie au seuil de l'adhésion à l'UE, a écouté, le visage grave, l'énoncé du verdict en première instance.

M. Sanader, 59 ans, a aussitôt été placé en détention alors que son avocat Cedo Prodanovic a indiqué à la presse qu'il allait interjeter appel.

M. Sanader est le deuxième ex-premier ministre d'un pays d'Europe du Sud-Est, dont la justice fait l'objet d'une surveillance étroite de l'UE, à être condamné pour corruption. Chef du gouvernement roumain de 2000 à 2004, Adrian Nastase a écopé en 2012 d'une peine de deux ans de prison ferme, qu'il purge actuellement.

Le juge croate a également prononcé contre M. Sanader une peine d'amende d'environ 480 000 euros (plus de 613 000 $) à «payer à la République de Croatie dans un délai de quinze jours».

Artisan de l'intégration de son pays dans l'OTAN en 2009, M. Sanader est accusé d'avoir touché plus de dix millions d'euros (près de 13 millions de dollars) afin d'assurer au groupe MOL le contrôle de la compagnie pétrolière croate INA, sans en posséder la majorité des parts.

«Il a été établi que vous avez touché des pots-de-vin (...) suite à votre accord préalable avec le chef de la direction de MOL, Zsolt Hernadi», a dit le juge avant d'assener : «Votre comportement a sapé les intérêts vitaux de la Croatie ainsi que sa réputation dans le monde».

Cependant, à Budapest, en janvier 2012, le parquet hongrois a classé sans suite une enquête concernant le PDG de MOL, Zsolt Hernadi, soupçonné d'avoir versé ce montant à M. Sanader.

M. Sanader est également condamné pour avoir illégalement touché 482 000 euros de commission sur un crédit octroyé à la Croatie par la banque autrichienne Hypo Alpe Adria Group pendant le conflit serbo-croate (1991-1995) ayant suivi la proclamation d'indépendance de Zagreb, alors qu'il était ministre adjoint des Affaires étrangères.

«La guerre a été un environnement idéal pour vos intentions criminelles», a martelé le juge.

Dans les jours ayant précédé son inculpation en décembre 2010, à la demande de la justice croate, M. Sanader avait été arrêté en Autriche, qui l'a extradé ultérieurement vers son pays. Il a passé une année en détention provisoire, avant d'être libéré sous caution, un mois après le début de son procès en décembre 2011.

La justice croate instruit au total cinq dossiers contre M. Sanader pour des affaires de corruption et d'abus de pouvoir.

Durant le procès, M. Sanader, qui a plaidé non coupable, a affirmé être victime d'une «chasse aux sorcières».

Ébranlé par ces scandales, le parti que M. Sanader conduit au pouvoir en 2003 après quatre ans dans l'opposition, l'a exclu de ses rangs, après avoir perdu les législatives de décembre 2011 au profit de l'actuel pouvoir social-démocrate.

Dans une récente interview, M. Sanader a accusé son successeur à la tête du gouvernement, Jadranka Kosor, d'avoir «ordonné une persécution politique» contre sa personne.

Cependant, M. Sanader avait lui-même choisi Mme Kosor pour lui succéder à la tête du gouvernement et de son parti, en juillet 2009, après son retrait de la vie politique.

Lors de cette annonce surprise, M. Sanader avait déclaré qu'il entendait ainsi attirer l'attention de l'UE sur un différend frontalier avec la Slovénie, Zagreb se sentant lésé.

La presse locale n'a jamais accepté cette explication, mais n'a pas réussi à clarifier les raisons de la démission de cet homme à un moment où il était au plus fort de sa popularité.

La lutte contre la corruption est un domaine surveillé de près par Bruxelles dans ce pays qui est appelé à adhérer à l'Union européenne en juillet 2013.