L'islamiste Abou Qatada a remporté lundi à Londres un nouvel appel contre son extradition vers la Jordanie, qui le réclame pour la préparation présumée d'attentats, et a obtenu sa remise en liberté mardi sous conditions, dernier rebondissement d'un long marathon judiciaire.    

La justice britannique a donné raison lundi au Jordanien de 51 ans, présenté un temps comme le chef spirituel d'Al-Qaïda en Europe, en acceptant son appel. Des témoignages obtenus sous la torture pourraient être utilisés lors de son procès en Jordanie, empêchant un jugement équitable, a justifié la Commission spéciale des recours concernant l'immigration, une instance britannique chargée des dossiers sensibles liés à la sécurité nationale.

Quelques heures après avoir accepté son appel lundi, la justice britannique a aussi ordonné sa libération conditionnelle, dès mardi.

Ces décisions représentent un énorme revers pour le gouvernement britannique, qui s'efforce d'extrader Abou Qatada depuis une décennie.

Londres a immédiatement fait part de son «complet désaccord» avec l'acceptation de l'appel d'Abou Qatada et annoncé son intention d'obtenir «le droit de faire appel».

«Le gouvernement jordanien a donné de nombreuses assurances au gouvernement britannique sur la bonne tenue du procès de Qatada» en Jordanie, a rappelé la ministre de l'Intérieur britannique Theresa May.

«C'est profondément insatisfaisant qu'Abou Qatada n'ait pas encore été expulsé vers la Jordanie. Il a un lien de longue date avec Al-Qaïda», a-t-elle affirmé devant la Chambre des Communes.

Abou Qatada, qui vit au Royaume-Uni depuis 1993 où il était arrivé avec un passeport falsifié, a toujours nié tout lien avec Al-Qaïda.

La Jordanie souhaite le rejuger dans deux affaires liées à la préparation présumée d'attentats dans ce pays, qui lui ont valu d'être condamné par contumace à la prison à perpétuité assortie de travaux forcés en 1998, et à 15 ans de prison en 2000.

Abou Qatada, qui a passé l'essentiel de ces dix dernières années en prison au Royaume-Uni où il n'a jamais été condamné, doit quitter mardi la prison de haute sécurité de Long Martin (centre de l'Angleterre), mais il sera soumis à des conditions très strictes.

Il ne sera autorisé à quitter son domicile qu'entre 8 h et 16 h, il devra porter un bracelet électronique et sera interdit d'accès à l'internet et de contacter certaines personnes.

Ses avocats ont dénoncé ces derniers mois «la plus longue période de détention administrative à (leur) connaissance dans l'histoire britannique moderne».

En demandant la libération de son client, Edward Fitzgerald avait déclaré : «c'en est assez. Cela dure depuis de nombreuses années maintenant.» «Il n'y a pas de perspective d'expulsion dans un temps raisonnable, en fait à ce jour, il n'y a pas de perspective d'expulsion.»

Le Royaume-Uni tente depuis dix ans de renvoyer Abou Qatada dans son pays, mais son extradition, de recours en appels, s'est transformée en un véritable marathon judiciaire.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait dans un premier temps bloqué son extradition, faisant déjà valoir que des preuves obtenues sous la torture pourraient être retenues contre lui lors de son procès en Jordanie.

Mais le gouvernement jordanien a assuré qu'il aurait droit à un nouveau procès équitable s'il était extradé. Et la CEDH a finalement donné en mai son feu vert à l'extradition.

La décision de justice de lundi est une déconvenue pour le gouvernement britannique qui avait obtenu il y a un mois une victoire dans un autre dossier fleuve d'extradition : au terme de huit ans de bataille judiciaire, il avait réussi à expulser le prêcheur islamiste radical Abou Hamza avec quatre co-accusés vers les États-Unis où il a été inculpé d'activités terroristes.