Le gouvernement français, qui entend faire adopter au début de l'année prochaine un projet de loi sur le mariage homosexuel, suscite des réserves dans la population en promettant d'élargir du même coup le droit à l'adoption.

Selon un récent sondage de la firme Ifop, un peu moins de 50% des Français souhaitent que les couples de même sexe puissent adopter des enfants, soit près de 10 points de moins qu'il y a un an.

Au dire de Jérôme Fourquet, directeur du service opinion publique de la firme, le pourcentage de personnes favorables à la réforme projetée a chuté sensiblement l'été dernier lorsque l'Église catholique française s'est engagée dans la bataille par la diffusion d'une lettre désavouant les intentions gouvernementales.

La mobilisation de plusieurs ténors politiques de la droite qui placent un accent particulier sur la question de l'adoption a aussi favorisé un durcissement de leur électorat à ce sujet.

M. Fourquet estime que l'argument voulant que les couples homosexuels cherchent à faire en sorte que «leur droit à l'enfant» prime le «droit de l'enfant» trouve une oreille attentive auprès de ce segment de la population.

Le cardinal André Vingt-Trois est revenu à la charge sur le thème de la filiation le week-end dernier en déclarant qu'un enfant a le droit d'être élevé «par ceux qui l'ont engendré».

Propos dénoncés

«Dans certaines situations exceptionnelles, des personnes peuvent, pour le bien de l'enfant, assumer généreusement la responsabilité parentale. Elles ne peuvent jamais se substituer totalement à l'homme et à la femme qui ont engendré l'enfant», a déclaré le chef religieux.

Ces propos ont été dénoncés par l'organisation SOS Homophobie, qui a appelé le gouvernement à «résister» aux pressions «violentes» exercées par les organisations religieuses.

Le secrétaire général de l'Union pour un mouvement populaire (UMP), Jean-François Copé, a réclamé de son côté la tenue «d'états généraux de la famille sur la question de la filiation», en arguant que l'adoption constituait le «vrai sujet».

Le président français François Hollande a pris acte formellement des divisions de la société sur cette question lors de l'assemblée du Conseil des ministres de mercredi, où le projet de loi sur le mariage homosexuel a été adopté.

Au dire de sa porte-parole, Najat Vallaud-Belkacem, le chef d'État a souligné que le débat autour du texte était «légitime». Il a dit espérer qu'il se ferait de manière respectueuse des «opinions comme des croyances» des uns et des autres.

Mariage homosexuel

Certains critiques du mariage homosexuel se sont illustrés au cours des derniers jours par des charges virulentes contre le projet. Le sénateur Serge Dassault, dans une sortie remarquée, a notamment demandé si la France voulait devenir «un pays d'homos».

Le mariage homosexuel, a-t-il déclaré, «c'est l'arrêt de la famille, c'est l'arrêt du développement des enfants, c'est l'arrêt de l'éducation, c'est un danger énorme pour l'ensemble de la nation, énorme».

Selon Jérôme Fourquet, la population française reste largement favorable au mariage homosexuel, souvent vu comme un prolongement du Pacte civil de solidarité (PACS).

«Pour de nombreux Français, c'est une sorte de super PACS. Ils ne voient pas de raison de ne pas donner aux homosexuels le droit de se marier à la mairie», dit-il.

L'appui, tant au mariage qu'à l'adoption pour les couples homosexuels, demeure stable et supérieur à 75% dans l'électorat de gauche, ce qui permet au gouvernement de procéder sans payer un prix politique trop élevé auprès de sa base traditionnelle, relate le représentant d'Ifop.