Les 300 députés grecs étaient mercredi soir sous pression de la rue à Athènes, où des échauffourées ont fait reculer une marée humaine contestant la rigueur, avant un vote dans la nuit sur un nouveau train d'économies exigé par les créanciers UE et FMI pour garder le pays à flot.        

La tension est montée en flèche tant autour du Parlement, quand quelque 300 fauteurs de trouble ont bombardé la police de projectiles et cocktails Molotov, qu'à l'intérieur de la chambre, où un incident de séance a interrompu le débat houleux.

Plus de trois heures après le début du rassemblement, qui a massé selon la police plus de 70 000 manifestants sur la place centrale de Syntagma, des échauffourées isolées se poursuivaient entre trublions et forces de l'ordre.

Le gros de la foule avait reflué tandis que la police noyait la place sous un nuage de gaz lacrymogène, faisant aussi usage d'un nouveau canon à eau contre les groupes la harcelant.

La police a procédé à une vingtaine d'interpellations, tandis qu'un cameraman a été attaqué par une dizaine d'agresseurs masqués et armés de barres de fer, qui ont brisé son matériel, a indiqué une source policière.

Entretemps, le débat parlementaire connaissait un intermède tragi-comique quand le ministre des Finances, Yannis Stournaras, a annoncé que les coupes prévues des salaires des hauts fonctionnaires concernaient aussi les employés du Parlement, traditionnels favoris du clientélisme local.

Ces derniers ayant menacé de débrayer immédiatement, au risque de compromettre l'adoption de la loi dont UE et FMI font dépendre le maintien du pays sous perfusion, il a retiré la mesure, sous les huées.

Dès l'après-midi, la foule s'était massée autour du bâtiment illuminé, aux accès barrés par un impressionnant déploiement policier, à l'appel des principaux syndicats, de nombreuses unions corporatistes, et de l'opposition de gauche radicale et communiste.

«À bas la politique de soumission et d'humiliation», proclamait une des multiples banderoles, une autre appelant à l'«effacement de la dette, résistance aux mesures de misère».

La loi pluri-annuelle 2013-2016 d'austérité, comportant 400 pages réunies en un seul article, est examinée en procédure d'urgence. Son adoption est presentée par gouvernement et bailleurs internationaux du pays comme déterminante pour le maintien du pays dans la zone euro, après trois ans d'austérité et cinq de récession.

«Ce projet de loi va plonger le pays dans une récession prolongée et la procédure d'urgence est contre la constitution», a notamment lancé Alexis Tsipras, chef du principal parti d'opposition, le Syriza de la gauche radicale.

Les rassemblements, à Athènes et en province, concluaient mercredi une grève générale de 48 heures, la troisième contre la coalition gouvernementale du premier ministre conservateur Antonis Samaras, en mesure, sauf surprise, d'arracher l'adoption du nouveau plan.

«J'ai peur que les mesures passent, mais nous devons montrer notre opposition», a affirmé devant le Parlement à l'AFP Costas Lahais, 39 ans, employé dans une société pharmaceutique.

Le plan proroge jusqu'en 2016 la rigueur et la durcit avec des économies budgétaires de plus de 18 milliards d'euros (près de 23 milliards de dollars).

Les Grecs devront travailler plus longtemps, jusqu'à 67 ans, avec des retraites, et des prestations sociales et de santé revues à la baisse.

Le plan réduit aussi de jusqu'à 27 % les salaires des haut-fonctionnaires, ramenés en brut mensuel hors prime à 1872 euros (2382 $) pour le chef de l'état-major de l'armée ou à 1459 euros (1857 $) pour un professeur d'université. Il prévoit le départ de milliers de fonctionnaires, une dérégulation accrue du marché du travail et des services, et des augmentations de taxes.

L'UE et le FMI ont suspendu à son adoption le versement d'une tranche vitale de 31,2 milliards d'euros (39,7 milliards de dollars) des prêts promis au pays, dont les caisses seront vides à la fin du mois.

Le dilemme, austérité ou faillite, a déjà été posé aux parlementaires lors de trois votes similaires depuis le début de la crise en 2010 et le placement du pays sous un carcan d'austérité en échange de son sauvetage financier.

Mais, depuis, nombre d'économistes du monde entier ont dénoncé les ravages d'une réponse «toute austérité» à la crise de la dette dans la zone euro.

Sur le plan politique, l'attelage gouvernemental - qui unit le Nouvelle-Démocratie (droite), le Pasok (socialiste) et le Dimar (gauche) - doit sortir affaibli du vote, au vu des dissidences à attendre du Dimar, fort de 16 députés, et de certains socialistes.

Ces contestataires refusent la réduction des indemnités de licenciement et la dérégulation du marché du travail.

La plupart des analystes tablent néanmoins sur une adoption de la loi, à une majorité d'environ 155 voix sur 300, alors que l'exécutif dispose en principe d'une majorité de 176 voix au Parlement.

La grève a fait tourner depuis mardi le pays au ralenti, frappant transports urbains, maritimes et aériens perturbés, fermant les pharmacies et perturbant le fonctionnement des hôpitaux et administrations.