Le gouvernement socialiste français a formellement adopté mercredi le projet de loi sur le mariage homosexuel, emboîtant le pas à onze autres pays, dont le Canada, la Belgique et l'Espagne, sous le feu roulant des critiques de l'opposition de droite et de l'Église catholique.

Le texte sera débattu par l'Assemblée nationale le 29 janvier, a indiqué une source parlementaire. Avant d'entrer en application, il devra aussi être voté par le Sénat.

Le mariage homosexuel sera «un progrès pas seulement pour quelques-uns, mais pour toute la société», a déclaré en Conseil des ministres le président François Hollande.

Le «mariage pour tous» était l'une des promesses fortes de sa campagne avant son élection il y a tout juste six mois.

Jugeant le débat autour de ce texte «légitime», François Hollande a souhaité aussi qu'il soit «maîtrisé» et «respectueux des opinions comme des croyances», dans des propos rapportés par la porte-parole du gouvernement.

«Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe», selon le projet de loi français. Conséquence : les couples homosexuels auront le droit d'adopter ensemble un enfant, tout comme les couples hétérosexuels.

En revanche, le texte gouvernemental ne prévoit pas l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes, au grand dam des associations homosexuelles.

Les questions de filiation sont renvoyées à une future loi sur la famille. Les adversaires du texte présentaient ces questions comme une menace pour l'institution familiale.

Selon un sondage IFOP pour Le Monde publié mercredi, les Français sont toujours favorables à l'ouverture du mariage (65 %) et de l'adoption aux couples de même sexe (52 %).

La plus grande partie de l'opposition de droite ne désarme cependant pas. L'ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon, a annoncé que si le texte était voté, l'opposition le remettrait en cause en cas d'alternance.

À l'image de certains maires qui font campagne pour être dispensés de célébrer les mariages homosexuels, un autre haut responsable de l'UMP, Jean-François Copé, député et maire de Meaux (50 km à l'est de Paris), a déjà prévenu qu'il ne célébrerait pas personnellement de mariages homosexuels, déléguant cette tâche à des adjoints.

Le sénateur UMP et patron du premier groupe français d'armement, Serge Dassault, 87 ans, n'a pas hésité mercredi à lier l'homosexualité à la «décadence» de la Grèce antique et à affirmer qu'avec le mariage gai «dans dix ans il n'y a plus personne».

Mais la polémique est surtout montée en puissance ces derniers jours à la faveur de l'assemblée annuelle des évêques de France, dont le président, le cardinal André Vingt-Trois, a appelé les catholiques à écrire aux élus pour les saisir de la «gravité de l'enjeu».

L'Église catholique ainsi que les représentants des autres courants religieux - protestants, musulmans, juifs - justifient leur opposition au projet par des arguments non seulement religieux, propres à leurs traditions respectives, mais «anthropologiques» en se réclamant de la «nature humaine».

«Une vision de l'être humain sans reconnaître la différence sexuelle serait une supercherie qui ébranlerait un des fondements de notre société», a tonné Mgr Vingt-Trois.

David Assouline, porte-parole du Parti socialiste, a jugé que l'Église n'était «pas vraiment dans son rôle» en s'opposant à une mesure qui concerne «le mariage civil dans la République laïque».

L'association SOS homophobie a souligné que dans les pays européens - dont l'Espagne et le Portugal - qui ont ouvert le mariage, l'adoption et la PMA aux couples de même sexe, «aucun n'a sombré dans la décadence annoncée».

Hasard du calendrier, la future loi française est présentée quelques heures après l'approbation du mariage gai par référendum dans l'État américain du Maryland, et la validation définitive par le tribunal constitutionnel de la loi espagnole sur le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels.