Un bras d'honneur lancé à la télévision par un politicien français alimente les tensions entre la France et l'Algérie, au moment où le président socialiste François Hollande multiplie les ouvertures pour tenter de rapprocher les deux pays.

L'ex-ministre de la Défense française Gérard Longuet a été filmé la semaine dernière en faisant ce geste à la toute fin d'une émission de la chaîne de télévision Public Sénat, pendant que le générique défilait à l'écran. Il a expliqué par la suite qu'il répondait ainsi à la sortie d'un ministre algérien qui a récemment demandé à l'ancienne puissance coloniale une «reconnaissance franche des crimes perpétrés» dans son pays.

M. Longuet, qui ne savait pas qu'il était toujours filmé au moment où il a fait son bras d'honneur, a refusé de s'excuser. Il a précisé qu'il s'agissait d'une manifestation de «mauvaise humeur typiquement populaire» sur un sujet sensible pour lui.

«Les Algériens doivent se développer en sachant que la France est une amie, mais qu'on ne peut pas se développer en Algérie sur le ressentiment de la France. Je crois profondément que la France a fait beaucoup pour que l'Algérie soit un pays plus moderne, mieux équipé, mieux formé», a précisé le politicien.

La sortie de l'ex-ministre, qui était en poste lorsque l'ancien président de droite Nicolas Sarkozy était au pouvoir, n'a pas suscité de réactions dans les rangs de son parti, l'Union pour un mouvement populaire (UMP).

Il a toutefois été salué par des ténors de l'extrême droite, comme la dirigeante du Front national, Marine Le Pen, qui y voit une manifestation «de franchise et de spontanéité». Elle a indiqué que le régime algérien tenait un discours «insultant» envers la France en lui demandant de s'excuser pour la période coloniale.

Un député frontiste, Gilbert Collard, a répété le geste dans une autre émission. Et le site internet Boulevard Voltaire a invité des lecteurs à leur envoyer des vidéos personnelles reproduisant l'action du ministre. Plusieurs ont été mises en ligne sur Facebook, ce qui a donné lieu à des échanges acrimonieux entre ressortissants algériens et Français.

«Brutalité vulgaire»

L'action de Gérard Longuet a été vivement décriée par plusieurs ténors socialistes, dont le premier secrétaire du parti, Harlem Désir, qui fustige la «brutalité vulgaire d'une certaine droite».

Les médias algériens ont aussi décrié l'action de l'ancien ministre. Le quotidien El Watan a notamment relevé que sa sortie reflétait les états d'âme de «nostalgiques de l'Algérie française» qui se croient tout permis pour gêner le rapprochement entre les deux pays.

La question de la «repentance» demeure un sujet très sensible pour la droite française, qui n'hésite pas à dénoncer les initiatives lancées par le gouvernement socialiste au cours des derniers mois pour apaiser les relations avec Alger.

Plusieurs ténors de l'UMP ont critiqué la décision du président François Hollande de rendre hommage en octobre aux Algériens tués lors d'une manifestation tenue à Paris en 1961. Le chef d'État a déclaré qu'ils avaient été victimes d'une «sanglante répression», critiquant de facto l'action des autorités françaises de l'époque.

Guerre sanglante

Le Sénat s'est par ailleurs penché il y a quelques jours sur une proposition de loi visant à faire du 19 mars, date du cessez-le-feu de la guerre d'Algérie, une journée nationale du souvenir pour les victimes du conflit. L'historien Benjamin Stora estime que la guerre, de 1954 à 1962, a fait plus de 350 000 morts du côté algérien. La torture a été largement utilisée par les troupes françaises, qui ont perdu près de 30 000 hommes au cours de ces affrontements.

Bien qu'Alger n'ait pas commenté officiellement le bras d'honneur de Gérard Longuet, le gouvernement français est intervenu officiellement pour éviter tout quiproquo à ce sujet et ouvrir la voie à un voyage officiel de M. Hollande en décembre.

Le ministre du Redressement productif français, Arnaud Montebourg, de passage en Algérie il y a quelques jours, a demandé que tous les actes entretenant «la polémique sur le passé» fassent l'objet de «l'indifférence la plus notoire».